La pratique de la philosophie en communauté de recherche et l’hygiène des dents

3enfants-1.jpg

Il y a quelques années, l’association des hygiénistes dentaires du Québec m’a demandé d’intervenir pour les aider à améliorer leur travail de prévention auprès des enfants concernant l’hygiène de leurs dents.  Les personnes responsables de l’association cherchaient alors des moyens plus efficaces que ceux qu’ils employaient pour atteindre leurs objectifs.  Avec l’aide de Nathalie Côté, nous avons composé deux petites histoires et un guide d’accompagnement permettant aux enfants de discuter philosophiquement de la question.

Il serait bien difficile de trouver une personne dans notre société qui serait prête à soutenir que l’hygiène des dents n’est pas importante.  Cela est évident et il n’y a guère de controverse au sujet de l’importance que l’on doit accorder à l’hygiène de nos dents.

Dès lors, pense-t-on, il ne reste plus qu’une chose à faire : apprendre aux enfants le plus tôt possible qu’il est important de prendre soin de leurs dents. Une question alors surgit : comment faire pour leur faire voir cette importance et leur faire acquérir l’habitude sous-jacente?  Et ici, plusieurs feront le raisonnement suivant :  puisqu’il est évident qu’on doit accorder une grande importante aux soins apportés aux dents, on n’a qu’à le dire aux enfants.  Ils nous écouteront et ne pourront pas ne pas être du même avis que nous.  C’est l’évidence même, pense-t-on.

Mais, on se rend compte que les choses ne sont pas aussi évidentes et que les résultats attendus ne sont pas toujours au rendez-vous.  Pourquoi?  Allons directement au cœur du problème : parce que cette façon de faire ne donne pas la chance aux enfants d’en discuter.  Si les enfants ont la possibilité de discuter ce qui entoure l’hygiène de leurs dents, ils en viendront vraisemblablement aux mêmes conclusions que les adultes.  Mais, ces conclusions seront alors leurs conclusions.  Et cela fait toute la différence.

Comment faire pour donner aux enfants la possibilité de discuter de l’hygiène de leurs dents?  La méthodologie préconisée par la pratique de la philosophie avec les enfants permet de se familiariser avec une histoire, d’en retenir différentes idées et de les discuter.  Trois temps principaux peuvent être distingués:

1- les enfants lisent à haute voix, chacun leur tour, des passages de l’histoire (si les enfants peuvent lire.  Sinon, on pourra toujours lire l’histoire aux enfants).  En plus d’assurer à chacun l’opportunité de prendre connaissance du texte, cette lecture en commun est un premier pas dans le développement du sentiment d’appartenance au groupe: déjà on partage une lecture comme plus tard on sera appelé à partager des idées, des points de vue, des sentiments.

2- les enfants relèvent les idées qui les ont marqués lors de la lecture.  Ce moment vise essentiellement à mettre en évidence les idées retenues par les enfants en raison de leur importance ou de leur caractère particulier ou surprenant.  Il ne s’agit pas d’une course à la meilleure idée, mais bien d’une occasion permettant à chacun de retenir une ou plusieurs idées jugées valables pour soi.  Les idées sont donc retenues en raison de leur importance significative.  Somme toute, la cueillette d’idées — la mise sur pied de l’ordre du jour — est une œuvre collective appelant chaque participant à exposer aux autres soit l’idée, le thème, le passage ou la question qui présente un intérêt à ses yeux.

3- les enfants discutent autour d’un, de plusieurs ou de l’ensemble des questions qu’ils ont choisis d’investiguer.  La classe se transforme alors en une communauté de recherche.  Elle permet aux enfants de réfléchir à des idées qui les intéressent dans le cadre d’une recherche commune fondée sur la coopération et le dialogue. Par-delà la possibilité de développer des habiletés de penser, la recherche en commun favorise aussi une prise de conscience de ses propres sentiments et de ceux des autres, un accroissement de la sensibilité aux relations interpersonnelles et l’acquisition d’un juste sens des proportions conduisant à faire la part des choses entre ses aspirations propres et celles des autres.  La discussion est donc le lieu où s’intègrent des apprentissages qui sont de l’ordre du savoir (le sujet de discussion : ici, globalement, l’hygiène dentaire), du savoir-faire (les habiletés de pensée) et du savoir-être (les attitudes permettant l’émergence de l’impartialité, de l’objectivité, de l’écoute attentive, du sens éthique et esthétique…).

Rôle de l’animateur

Dans un tel contexte, on voit se dessiner assez rapidement la tâche qui incombe à la personne qui anime une communauté de recherche.  Elle doit abandonner son rôle d’autorité informative (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne pourra pas transmettre à l’occasion une série de données factuelles concernant l’hygiène des dents) tout en conservant celui d’autorité instructive.

En effet, le rôle de cette personne n’est pas de fournir l’information ni de produire la « bonne » opinion ou interprétation.  Cette non-directivité quant au choix des idées à discuter et au contenu de la discussion vise à s’assurer que les thèmes choisis correspondent adéquatement aux intérêts des élèves, et non à ceux de la personne qui anime.  Elle vise aussi à prémunir cette personne contre toute tentation visant à endoctriner.

Mais puisque la discussion ne se résume pas simplement à la mise en commun d’opinions et qu’elle vise surtout à enrichir les opinions exprimées, à rechercher la complémentarité des points de vue, à découvrir les idées ou les préjugés qui se cachent sous certaines expressions, à clarifier le sens d’une tentative infructueuse, à s’exercer à l’expression d’une pensée à la fois convergente et divergente, il incombe à la personne qui anime une communauté de recherche de prendre la responsabilité dernière d’établir les arrangements qui faciliteront une recherche raisonnée qui soit de plus en plus productive et de plus en plus auto-corrective.

Dans ce contexte, l’utilisation de plans de discussion peut faciliter la tâche de l’animateur.  Ces plans de discussions permettent, en effet, d’approfondir un sujet de discussion choisi par les enfants avec le souci de les conduire à examiner différentes dimensions du problème que soulève ce sujet.

Pour vous aider dans l’animation d’une communauté de recherche philosophique avec les enfants, voici donc deux petites histoires et une série de plans de discussion.  Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir et une heureuse recherche avec les enfants.

La princesse Dentyne

Le chevalier Max

Les mots dedans (guide d’accompagnement pour les deux histoires)

Une réponse

Laisser un commentaire