• La communauté de recherche philosophique: applications et enjeux

Eve

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements… 6

Introduction……  7

Première partie : Applications…. 10

Une pratique atypique pour des enfants atypiques….. 11

Philosophie pour enfants et éthique environnementale – naturellement…?… 26

La communauté de recherche au Club 44…. 37

Philosopher sur les mathématiques par le biais du dialogue critique.. 48

Quand les adolescents philosophent avec leurs parents… 68

La communauté de recherche philosophique et le programme d’Éthique et de culture religieuse au secondaire….78

La communauté de recherche philosophique et l’enseignement religieux en Communauté française de Belgique….98

L’adaptation de la communauté de recherche  en philosophie dans les collèges québécois : bilan, témoignages et évaluation…114

La naissance d’une CRP au Kamouraska…. 131

Penser par et pour soi-même en alphabétisation..149

La pratique de la philosophie en communauté de recherche auprès de personnes en centre jour…160

Radiographie d’une expérience de la CR en milieu carcéral….. 170

Des bienfaits de la philosophie en maison de retraite…. 180

La philosophie pour enfants en formation initiale des enseignants.. 191

La communauté de recherche philosophique appliquée à la formation à distance …… 217

Deuxième partie : Enjeux.. 229

La philosophie pour les enfants et le programme d’Éthique et de culture religieuse….. 230

Dignité humaine et philosophie pour les enfants…. 251

La philosophie pour enfants pour contrer la violence… 264

Promouvoir la santé et prévenir les addictions au moyen de la pratique du dialogue philosophique en communauté de recherche…276

L’apport de la communauté de recherche philosophique à l’éducation à la citoyenneté :

établir une relation dialectique entre le sujet et le sens commun grâce à la pensée critique…285

La pratique de la philosophie en communauté de recherche et le développement de la pensée critique d’adolescents… 298

Entrons dans l’univers de l’autre. Apprendre à juger, dans une classe transformée en communauté de recherche      315

Approche esthétique en communauté de recherche… 334

Notice biographique des auteurs….350

Introduction

Créée par M. Lipman, la pratique de la philosophie avec les enfants a maintenant plus de 40 ans. Aux yeux de ce philosophe et de sa principale collaboratrice Ann Margreth Sharp, cette pratique ne saurait se réaliser en dehors du contexte cognitif et social de la communauté de recherche philosophique (CRP). Celle-ci, qui trouve sa racine, semble-t-il, dans les écrits du philosophe C. S. Pierce, est un lieu d’apprentissage de l’art de penser par et pour soi-même. Depuis 1969, Lipman et Sharp n’en démordent pas : la CRP est un, voire le lieu par excellence pour la pratique de la philosophie avec les enfants. Mais, dire cela n’implique pas que celle-ci doive être réservée aux enfants d’âge primaire inscrits à un programme régulier de formation. En effet, de nombreuses applications de la CRP ont vu le jour depuis les débuts de la philosophie pour les enfants (milieu carcéral ; formation à distance ; formation des maîtres ; alphabétisation populaire ; groupes informels de discussion entre adultes ; maison de retraite ; famille ; enfants «atypiques» ; enseignement religieux et éducation éthique ; éducation à la santé ; mathématiques ; etc.), et chacune d’entre elles s’inscrit à l’intérieur d’un processus similaire et poursuit un objectif commun : offrir les conditions permettant aux participants de s’engager dans une pratique dialogique par laquelle ils sont invités à penser par et pour eux-mêmes.

Ce livre présente, dans un premier temps, quelques-unes des applications de la CRP dans des contextes différents de celui qu’avait imaginé Lipman à la fin des années soixante. Ces applications sont l’œuvre de créateurs soucieux d’utiliser la CRP de manière novatrice en étant guidés par les particularités contextuelles avec lesquelles ils devaient composer.  Dans un deuxième temps, quelques enjeux de la CRP sont examinés : son éventuelle utilisation dans le programme d’éthique et culture religieuse au Québec ; les rapports entre la CRP et l’éveil à la dignité humaine ; la promotion de la santé ; l’éducation du citoyen ; la CRP et le développement de la pensée critique des adolescents ; l’apprentissage du jugement ; la dimension esthétique de la CRP.  Chacun de ces chapitres pose une série de questions touchant les fondements de la CRP.

Bien que les applications décrites dans ce livre sont de nature variées (certaines étaient davantage de l’ordre de l’expérimentation quasi-spontanée et de l’initiative personnelle, alors que d’autres relèvent plus spécifiquement de recherche à visée scientifique), toutes contribuent, à leur manière, à soulever des questionnements sur le dialogue à réaliser entre les dimensions génériques et/ou spécifiques qui s’y rattachent. En effet, quels pourraient être les dénominateurs communs à l’ensemble de ces pratiques ? Quelles réussites et/ou difficultés, à la fois communes et particulières, est-il possible d’identifier ? Quels sont les lieux où la CRP ne saurait être utilisée ?

En ce qui a trait aux aspects «transversaux», il apparaît que chacun des acteurs, peu importe le contexte de pratique dans lequel il œuvre, croit au dialogue comme un instrument d’harmonisation des rapports permettant de relier les gens entre eux afin que tous y soient considérés comme une personne à part entière. Il apparaît également que tous partagent le souci de développer l’autonomie de pensée par la pratique d’un dialogue philosophique et critique. Par ailleurs, nombre de défis émergent de ces diverses applications. Notons d’abord le besoin de matériel qui, dans certains contextes, peut être un élément déterminant dans la réussite du projet. Ce besoin montre non seulement les exigences relatives à chacune des applications spécifiques, mais aussi l’importance et la difficulté d’avoir à disposition du matériel qui répond aux critères identifiés par Lipman afin de lancer une CRP, dont la présence d’une diversité de positions, la modélisation des processus de recherche philosophique, l’absence de moralisation… Dès lors, chacun a dû faire preuve de créativité afin d’arrimer les visées de la CRP aux particularités découlant des objectifs poursuivis à l’intérieur de chacun des projets qui, à l’occasion, se sont avérés assez précis et orientés. Notons également la question de la continuité et de la fréquence qui, à plusieurs reprises, s’est avérée déterminante. En effet, lorsque la CRP s’effectue à l’extérieur d’un cadre proprement scolaire où la participation est souvent imposée par l’institution, il semble plus complexe de maintenir un taux de participation régulier qui persiste dans le temps. Or, il est généralement admis que la participation, la fréquence ainsi que la continuité sont des facteurs contribuant directement au degré d’appropriation des apprentissages reliés à la pratique de la philosophie en CR. Notons finalement qu’à l’intérieur de certains contextes, les participants doivent composer avec des formes de hiérarchie susceptibles d’entraver le processus d’émergence de la CRP. Parmi celles-ci, nous pourrions relever la hiérarchie sociale qui peut conduire les membres à manifester une certaine réserve quant à la prise de position, par crainte des conséquences qu’elles pourraient avoir sur leur situation. Il y a aussi une hiérarchie épistémologique qui peut parfois s’installer et qui risque d’avoir un impact sur les habiletés et attitudes de recherche mobilisées. Cette situation semble apparaître, par exemple, lorsque les projets conduisent à considérer des savoirs s’inscrivant à l’intérieur de champs disciplinaires autres que la philosophie, dont les sciences, et qui sont généralement considérés plus «objectifs». Dans ces circonstances, les rapports aux savoirs peuvent conduire à plus ou moins d’autonomie de pensée ainsi que de jugement critique.

Ce livre devrait conduire le lecteur à entrevoir l’énorme potentiel de la CRP, et ce, à l’intérieur d’une grande variété de contextes. De plus, le caractère émergeant de ces applications pave la voie à un large éventail de projets de recherche impliquant non seulement des philosophes, mais aussi des psychologues, des pédagogues, des sociologues, des intervenants en milieu communautaire, des linguistes, des artistes, des littéraires, des scientifiques… Autant de perspectives nouvelles qui, au demeurant, s’inscrivent tout à fait dans les axes de la CRP : rencontre de la diversité, questionnement, recherche, collaboration….

En terminant, nous tenons à remercier vivement les différents auteurs qui ont contribué à la réalisation de ce livre. Nous espérons qu’ils sont aussi fiers que nous d’avoir pu participer à un tel projet.

Mathieu Gagnon et Michel Sasseville

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