La philosophie pour enfants et l’invention du pensable

libéraux

Le pensable ce n’est pas ce qui a été pensé, mais ce qui pourrait être pensé. Le pensable c’est le regard de la pensée vers ce qu’elle peut produire et non celui de ce qu’elle doit produire selon des normes dictées par la société dans laquelle elle se trouve. Le pensable, c’est l’art de penser par et pour soi-même. Et parce qu’on apprend cet acte en communauté de recherche, c’est l’art de penser par et pour soi-même avec les autres. 

Quand on pratique la philosophie avec les enfants, ces derniers développent un ensemble d’outils de représentation leur permettant d’augmenter considérablement leur lucidité.  Ces outils de représentation, loin d’être des outils-miroir d’une réalité qui serait là, devant eux, sont plutôt des instruments de concevabilité, permettant aux enfants de dire de mieux en mieux dans le dialogue qui s’instaure entre eux, l’expérience qu’ils font de la relation qu’ils entretiennent avec l’univers, ce grand face-à-face enfant-Univers, lequel contient le petit face-à-face enfant-enfant (je paraphrase ici les expressions du linguiste Gustave Guillaume qui parlait du grand face-à-face Homme-Univers et du petit face-à-face homme-homme, ce qui lui permettait de distinguer la partie puissantiel du langage, la langue, qui nous renvoie au grand face-à-face et la partie effective et sociale du langage, le discours, qui nous reconduit au petit face-à-face.).

Ces outils de concevabilité (exemples, raisons, hypothèses, contre-exemples, etc.), loin de traduire la pensée des philosophes dans l’histoire, sont là pour permettre l’expression philosophique de notre expérience.  Ce n’est donc pas la philosophie de tel ou tel penseur qui est apprise en faisant de la philosophie avec les enfants, mais l’art de philosopher.  Certes, on pourra à l’occasion, se servir de la pensée de tel ou tel penseur sous la forme des questions posées par lui ou elle, toutefois le but d’un tel recours n’est pas d’apprendre par coeur le discours des philosophes, mais de développer la langue qu’ils partagent communément. Cette langue, voire ces langues, car il n’y pas qu’une seule façon de parler philosophiquement, intériorisée par la pratique répétée de l’utilisation de plus en plus judicieuse des outils de la pensée, permet aux enfants de devenir de plus en plus en mesure de penser par et pour eux-mêmes.  L’enjeu de la philosophie pour enfants n’est autre que la libération des enfants en leur offrant la possibilité de créer du pensable qui sera le leur et non celui qu’on attend d’eux.

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