Qu’est-ce qu’une question philosophique?

libéraux

Une question philosophique, ça n’existe pas! Ou, pour le dire autrement: toute question peut, selon le traitement que l’on en fera, devenir la source d’une enquête philosophique.  Prenons trois exemples pour mieux saisir ce que j’en comprends.

Exemple 1:

Après avoir lu un chapitre d’une histoire, un enfant demande: quelle est la couleur du chat dans cette histoire?  À première vue, on pourrait être tenté de rejeter du revers de la main une telle question si on entend faire de la philosophie en se disant qu’elle ne présente aucun intérêt dans cette discipline puisqu’elle ne porte pas sur un concept Central dans notre expérience humaine, qu’elle ne fait pas référence à une expérience Commune à l’ensemble des êtres humains et que sa réponse ne serait guère Contestable (les trois C souvent utilisés pour dire qu’une question ou un concept est philosophique).  De ce point de vue, nous aurions raison de la rejeter.  Mais, du coup, nous mettrions de côté un principe capital, à mes yeux, en philosophie pour enfants: partir des questions des enfants, ce qu’ils trouvent importants pour eux, peu importe que celle-ci contienne un concept central, commun et contestable.  La question posée par l’enfant représente son intérêt, sa motivation et du coup son rapport à son milieu.  Elle montre un être en relation avec son milieu et donc un être qui pense.  Mais sa question est un point de départ, non un point d’arrivée. Pour l’aider à aller plus loin, pour l’aider à voir la richesse philosophique que »cache» sa question, la personne qui facilite l’enquête pourra, par exemple, demander à l’enfant (à tous les enfants en fait): y a-t-il un indice dans ce que nous avons lu qui nous permet de répondre à ta question?  Si aucun indice ne permet de trouver une réponse à la question, alors la personne qui facilite l’enquête pourrait ajouter: Bon d’accord, rien ne nous permet, suite à notre lecture, de dire ce qu’il en est de la couleur du chat.  Mais ce n’est pas grave, car sous cette question s’en cachent plusieurs autres, par exemple: serait-il possible qu’un chat n’ait aucune couleur?  Nonnnnnn, répondront probablement les enfants en choeur.  Dès lors, l’animateur.trice pourra continuer en ajoutant:  Est-ce que tout ce qui existe possède une couleur?  Que dire de l’eau?  Faut-il qu’une chose possède une couleur pour la connaitre? Pour en arriver finalement (et provisoirement car cette dernière question en appelle bien d’autres) à: Mais que veut-on dire quand on dit que nous connaissons quelque chose?

Exemple 2:

Après avoir lu un chapitre d’une histoire, un enfant demande: quelle est la couleur du chat dans cette histoire? Après avoir conclu qu’aucun indice ne nous permet de connaitre la couleur du chat dans l’histoire, la personne qui facilite l’enquête philosophique pourra ajouter: Mais ce n’est pas grave, car sous cette question s’en cache plusieurs autres, par exemple: Si le chat était blanc, est-ce que vous pensez qu’il serait plus beau qu’un chat noir?  Certains penseront que oui, d’autres que non.  Les poussant à aller plus loin, la personne qui anime l’enquête pourra alors demander: Mais est-ce à dire que c’est parce que nous disons que le chat de telle couleur est beau qu’il est beau?  Il n’existe aucun chat qui est beau pour tout le monde en raison de sa couleur?  Mais au fait, sur quoi se base-t-on pour dire qu’une chose est belle? L’être humain est-il la mesure de tout ce qui touche le beau?  Ici l’enquête, de nature esthétique, est différence de celle précédente qui se dirigeait vers une investigation épistémologique (comment connaissons-nous les choses?)

Exemple 3:

Après avoir lu un chapitre d’une histoire, un enfant demande: quelle est la couleur du chat dans cette histoire? Après avoir conclu qu’aucun indice ne nous permet de connaitre la couleur du chat dans l’histoire, la personne qui facilite l’enquête philosophique pourra ajouter: Mais ce n’est pas grave, car sous cette question s’en cache plusieurs autres, par exemple: Est-ce que tous les chats sont colorés? Ouiiiii, répondront probablement les enfants en choeur. Dès lors la personne qui anime pourrait poser la question suivante: Si tous les chats sont colorés, est-ce que cela veut dire que tout ce qui est coloré est un chat?  Non, répondront peut-être certains enfants.  Du coup, il importera de demander des exemples d’êtres qui sont colorés mais qui ne sont pas des chats.  Puis… peu à peu, par diverses questions, en arriver à se poser celle-ci: si une phrase commence par tout, qu’elle est vraie et qu’on la renverse, demeure-t-elle vraie encore?  Il est probable que les enfants en arriveront à la conclusion que les phrases commençant par Tout, qui sont vraies, une fois renversées, deviennent fausses.  Mais alors, que fait-on de la phrase suivante:  Tous les atocas sont des canneberges? (investigation logique)

Dans le premier exemple, comme dans le second et le troisième, on le voit, la personne qui anime un dialogue en communauté de recherche n’est pas au chômage. Si les enfants sont invités à se questionner entre eux, au point où l’animateur.trice pourrait peu à peu disparaitre, il n’en demeure pas moins qu’en ses débuts, cette personne a notamment pour souci de mettre les enfants au défi de penser, et de les conduire à voir la richesse que cachent parfois les questions qu’ils posent. C’est ainsi, notamment, que la pratique de la philosophie avec les enfants leur permet d’enrichir leur expérience.

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