C’est avec grand plaisir que je laisse cette fois la place à 4 étudiants qui ont suivi, à la session d’hiver 2016, le cours Penser par nous-mêmes: parole et silence (PHI-1063). Provenant du monde des sciences – la physique -, Sékou-Oumar Kaba, Émily Cloutier, Guillaume Allain et Antoine Blanchette (de gauche à droite sur la photo) ont réalisé un travail digne d’être partagé à grande échelle. Ils ont tenté avec succès de voir comment il est possible d’adapter la communauté de recherche philosophique lorsqu’il s’agit d’enseigner les sciences à l’école primaire. Comme vous pourrez le constater, leur réflexion et leur expérimentation en dit long sur les possibilités d’une telle adaptation et, surtout, montre que l’enseignement des sciences au primaire peut (j’ose dire devrait) aussi permettre le développement d’une pensée articulée qui, loin de se résumer à la mémorisation de résultats, accorde une grande importance aux processus ayant conduit à ces résultats.
Sékou-Oumar, Émily, Antoine et Guillaume, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à publier votre travail sur ce site!
Utilisation de la communauté de recherche philosophique pour l’enseignement des sciences au primaire
Guillaume Allain, Antoine Blanchette, Émily Cloutier et Sékou-Oumar Kaba
1. Introduction
1.1. Historique de l’enseignement des sciences
L’enseignement des sciences prend ses racines à la fois en Mésopotamie et en Égypte, où les scribes apprenaient à réciter des listes d’animaux, de problèmes arithmétiques ou d’observations astronomiques. Ils étaient bien loin de commenter ces écrits, mais le simple fait de les cataloguer montre déjà un intérêt pour les sciences de la nature. Plusieurs centaines d’années passent jusqu’au moment où les Grecs usent de la raison, de l’observation et de la logique pour structurer le savoir en une science organisée. L’enseignement commence alors à prendre une démarche connue : passer la connaissance de maître à élève dans des écoles spécialisées (par exemple l’Académie de Platon ou le Lycée d’Aristote). Cette méthode d’enseignement reste plutôt inchangée dans l’Empire romain, pour prendre la forme de l’enseignement par la scolastique dans les universités européennes du Moyen-âge. Étant basée sur l’étude des textes des anciens par le commentaire pour comprendre le sens profond de ceux-ci, cette méthode laisse peu de place à l’innovation scientifique. Petit à petit, motivé par les nouvelles idées humanistes et mécanistes issues de la renaissance, l’enseignement des sciences prend la forme magistrale que nous lui connaissons aujourd’hui. [2, pp. 26,32, 45,62, 67,87, 126,211,245].
On constate que, depuis les siècles, cette façon d’enseigner les sciences a connu peu de changements. La méthode actuelle utilisée aux cycles supérieurs est efficace pour l’enseignement des domaines spécialisés. On peut cependant mettre en doute l’utilisation de la même approche auprès de jeunes; il est à se demander si la méthode utilisée aujourd’hui est la plus efficace pour permettre l’émergence de la pensée scientifique chez les élèves.
1.2. La communauté de recherche scientifique comme outil d’enseignement scientifique
Si, par exemple, un individu étudiant la dynamique de Newton découvre le sens des termes comme force, masse, espace et temps, ce sera moins parce qu’il en aura trouvé des définitions […] que parce qu’il aura observé, en y participant lui-même, l’application de ces concepts à la solution de problèmes. S. Kunh [5, p. 76]
En août 2013 est paru un rapport du Conseil Supérieur de l’éducation portant sur la situation précaire de l’enseignement des sciences et technologies au primaire et au premier cycle du secondaire. Ce rapport avait pour but d’expliquer les résultats particuliers des élèves québécois qui ont obtenu en 2010 des notes significativement inférieures à la moyenne canadienne en sciences. On y conclut que l’enseignement des sciences au primaire est souvent restreint et escamoté en raison du peu de temps qui y est accordé et du sentiment d’incompétence dans ce domaine partagé par plusieurs enseignants [1, p. 31]. Les objectifs du programme de sciences et technologie sont pourtant clairs; ils ne visent pas un enseignement disciplinaire, mais plutôt un enseignement culturel qui développerait l’esprit critique et scientifique des élèves. Les objectifs sont donc :
- D’initier les élèves aux démarches d’esprit propres à la science;
- De replacer les découvertes scientifiques dans leur contexte social;
- De donner un bagage de connaissances scientifiques;
- D’intégrer la science et la technologie;
- De favoriser une compréhension citoyenne des enjeux scientifiques et technologiques. ([4, p. 50-51]).
Parallèlement, la Communauté de Recherche Philosophique (CRP) est une approche d’apprentissage par la discussion qui vise à amener l’élève à développer des outils de résolution par et pour lui-même. Il s’agit donc d’un cadre intellectuel par lequel les élèves collaborent dans un environnement stimulant pour résoudre des questionnements ou des problématiques, tout en développant des outils de communication et de réflexions pertinents. Ainsi, l’élève est amené, par exemple, à fournir des exemples, donner des raisons ou à construire sur les interventions de ses cochercheurs pour appuyer et étoffer sa pensée. De plus, la CRP dans sa forme actuelle encourage déjà la reconstruction de la philosophie de manière à laisser une place plus importante à l’élaboration de la démarche scientifique, de façon à ce que les enfants adoptent le réflexe de réfléchir face à une situation problématique. [3, p. 27-28]
Le lien entre le programme de science et technologie au primaire et la Communauté de Recherche Philosophique nous semble alors évident : par sa définition d’objectifs, la CRP pourrait répondre adéquatement aux besoins relevés par le Conseil Supérieur de l’éducation. Nous nous sommes donné comme but d’évaluer si le modèle de la CRP serait adéquat au développement de l’esprit scientifique des élèves et donc à la rencontre des objectifs pédagogiques 1, 3, 4 et 5. Plus précisément, nous sommes portés à penser que l’approche de la CRP, appliquée à des questions scientifiques plutôt que philosophiques, permettrait de développer la pensée scientifique tout en permettant aux élèves de résoudre des problèmes concrets et aimerions valider cette hypothèse. Finalement, en plus de vérifier si cette méthode permet de développer les objectifs ciblés par le programme pédagogique de sciences et technologie, il nous sera nécessaire d’analyser la faisabilité de l’implantation concrète de cette méthode dans le contexte scolaire actuel en tenant compte des contraintes matérielles et professionnelles.
2. Présentation des objectifs
2.1. Communauté de recherche dans un contexte scientifique
L’idée de faire de la philosophie avec les enfants en communauté de recherche a été amenée par Matthew Lipman dans les années 1970. Ce philosophe américain avait pour souci de donner une plus grande importance au développement de la pensée critique dans l’éducation. Supervisée par un animateur, «la communauté de recherche est le contexte social où apparaissent des conditions cognitives et affectives qui, tout en permettant de parfaire les habiletés et les dispositions, mettent les enfants au défi de penser de manière critique et créatrice.»[3]. C’est en fait exactement le genre de contexte nécessaire à l’élaboration d’un raisonnement scientifique. D’où la pertinence que pourrait avoir l’apprentissage des sciences en communauté de recherche.
Les habiletés sollicitées par la recherche scientifique en communauté sont en grandes parties similaires celles de la CRP qui permet à l’élève d’améliorer son esprit critique, sa créativité, son aptitude à l’autocorrection et sa capacité à travailler avec d’autres. Aussi, des qualités d’expression de la réflexion telles que l’utilisation d’exemples et de contre-exemples et l’apport de raisons sont encouragées par la CRP et sont inhérentes à la démarche scientifique qui doit se baser sur des faits de manière à décrire adéquatement un phénomène observé. De plus, d’autres critères de délibération tels que l’évaluation des raisons, la prise en compte du contexte, l’élaboration de distinctions et l’examen de l’envers d’une position assurent le développement d’une pensée critique nécessaire à une interprétation juste des résultats. Plus encore, des habiletés qui favorisent la construction d’une idée sur celles des autres, l’identification de conséquences et l’évaluation de l’acte de réfléchir, par exemple, favorisent le progrès d’une idée et l’émergence de conceptions et de normes partagées par la communauté de recherche. L’utilisation de ces procédés au cours d’une délibération qui serait scientifique plutôt que philosophique permettrait donc à l’élève de développer un esprit propre à la science tout en lui permettant d’intégrer la science et la technologie et d’a améliorer la compréhension de ses enjeux : des objectifs du programme pédagogique d’enseignement des sciences.
La CRP appliquée à un contexte scientifique aurait aussi le mérite d’impliquer activement l’élève dans la discussion d’enjeux scientifiques qui le touchent et le concernent. L’approche proposée par la CRP permet une participation active de l’élève plutôt que celle passive encouragée par les cours magistraux en renversant la définition du rôle de l’élève, qui devient participant. De plus, cette approche cible les intérêts et les enjeux des élèves en leur laissant la liberté de proposer et de choisir le sujet de délibération et favorise ainsi leur implication.
L’activité développée ayant pour but de faire émerger ou au moins diriger vers la méthode scientifique, il est impératif d’encourager l’apparition des étapes de cette méthode dans la délibération de la communauté de recherche. Dans le cas où une étape ne semble pas émerger, les animateurs peuvent diriger la communauté dans cette direction. La structure de l’activité est très semblable à celle d’une délibération philosophique. Les enfants sont placés en cercle, lisent une histoire, posent les questions qu’ils ont, votent pour celle qu’ils préfèrent et délibèrent ensuite sur ladite question. Une des différences principales se trouve dans la délibération qui est légèrement plus structurée afin de favoriser l’apparition des étapes de la pensée scientifique.
Une autre différence importante qui naît de la méthode scientifique est que cette dernière encourage à recourir à l’expérimentation comme critère. Ainsi, non seulement est-il possible d’imaginer un exemple dans lequel une certaine hypothèse s’applique, mais il est aussi possible de réaliser concrètement cet exemple dans une expérience. C’est donc une nouveauté qu’il peut être pertinent d’introduire dans la communauté de recherche, si l’occasion s’y prête. Idéalement, le matériel accessible devrait être présenté à la communauté de recherche et cette dernière devrait elle-même concevoir l’expérience qu’elle va mener.
L’analyse et l’interprétation des résultats constituent une suite nécessaire à toute expérience scientifique. En effet, pour que le phénomène observé prenne un sens, il faut en extraire les éléments les plus importants et tenter de voir comment ces derniers peuvent s’inscrire dans une généralisation. Une communauté délibérant sur le thème de la gravité pourrait ainsi observer la chute de corps composés de différents matériaux. Un des éléments essentiels retenus lors de cette expérience pourrait être le temps, plus ou moins semblable, que les objets prennent pour toucher le sol. Cet élément pourrait ensuite faire l’objet d’une généralisation : les corps les plus lourds touchent le sol plus rapidement, par exemple.
Enfin, la critique de l’outil d’expérimentation peut être essentielle dans beaucoup de cas. Des questions telles que «peut-on faire confiance à nos yeux pour comprendre ce phénomène?» ou «dans quelle mesure les résultats peuvent-ils être généralisés?» se posent souvent. Ainsi, dans l’exemple de l’expérience sur la gravité, un des participants pourrait souligner que la chute se passerait peut-être de manière différente si l’expérience avait lieu dans le vide, sans que le frottement de l’air puisse avoir une influence. Si elles ne surgissent pas d’elles-mêmes, l’animateur devrait encourager les participants à entamer ce genre de réflexion.
2.2. Rôle de l’animateur
L’animateur d’une communauté de recherche a pour but de favoriser l’émergence d’une pensée raisonnée, nuancée et collaborative chez les membres de la communauté. Comme le souligne Michel Sasseville, «l’animateur doit faire preuve d’une grande lucidité lors de ses interventions. Bien que la lucidité soit elle-même un savoir, elle se différencie grandement du savoir qui caractérise le résultat livré sous la forme d’une réponse ou d’une solution. En effet, la lucidité est ce savoir qui porte sur les articulations de la pensée, qui la montre non plus sous l’angle du résultat qu’elle peut et sait produire, mais sous celui des opérations qui en déterminent l’existence et la validité.». Il faut cependant nuancer ce propos, car la validité d’un raisonnement scientifique est étroitement liée à son contenu et à son rapport avec l’expérience. L’animateur scientifique se doit donc de posséder certaines connaissances factuelles sur le sujet traité par la communauté pour pouvoir évaluer les raisons amenées par les participants. Toutefois, ces connaissances ne sont peut-être pas à portée de tous les enseignants au primaire qui se sentent déjà mal à l’aise par rapport à l’enseignement des sciences [1]. L’animateur, dans une communauté de recherche scientifique, aurait donc un rôle très similaire à celui dans une communauté philosophique, mais contrairement à ce dernier, il connaîtrait la «réponse» à la question discutée. Il est donc important pour l’animateur de garder en tête que le processus est la priorité de l’activité. Un animateur doit continuellement se poser la question, «Est-ce que les enfants ont une interprétation valable avec les informations présentes?». Même si l’explication offerte face à un phénomène donné peut sembler farfelue, la méthode utilisée reste pertinente.
La fonction de l’animateur change d’une étape de la méthode scientifique à une autre. Lorsque les enfants donnent des hypothèses, il encourage les enfants à formuler des explications même si elles sont contraires à celles déjà offertes par la communauté. Cela permet au groupe d’utiliser leurs connaissances déjà acquises pour délibérer sur les hypothèses. À ce moment, l’animateur doit encourager les membres du groupe à fournir des exemples de situations où, par exemple, un enfant a vu un arc-en-ciel, et à comparer certaines situations afin d’identifier les différences et similitudes. Lors de l’expérimentation, l’animateur doit pousser les enfants à partager ce qu’ils observent et tenter de diriger les observations s’ils ne réalisent pas un point important, par exemple l’absence de rose de l’arc-en-ciel. Lors de l’analyse des résultats, l’animateur doit savoir se retirer. Il a fourni à la communauté le plus d’information possible et doit maintenant la laisser délibérer sur les conclusions qu’on peut tirer de l’expérience. Il encourage donc la discussion des hypothèses précédentes et leur reformulation à la lumière des nouvelles informations. Bien que parfois plus actif dans la délibération que l’animateur philosophe, l’animateur scientifique a tout de même les mêmes objectifs. Il cherche à favoriser un dialogue par l’utilisation d’outils de communication, dans notre cas, majoritairement des exemples et des raisons.
Plus encore que dans l’animation d’une CRP, il doit faire attention à la manipulation. Bien qu’il possède peut-être plus de connaissances que les enfants, l’animateur doit les laisser procéder à l’expérience de penser par eux-mêmes et permettre la discussion de toutes hypothèses valables, si le groupe le désire. Il est également important que l’animateur soit capable de garder un silence relatif et de favoriser au mieux de ses capacités un environnement propice à la délibération.
3. Description de l’activité
3.1. Choix du sujet
Pour la communauté de recherche que nous avons préparée, le concept des couleurs a été choisi comme base pour la rédaction de l’histoire et comme sujet de délibération. Le concept de couleurs primaires et secondaires, découlant du mélange de pigments, est bien connu des enfants dès la maternelle, mais ils sont peu familiers avec celui du mélange de lumière de différentes couleurs. Cela a octroyé une liberté d’amener la délibération dans de nombreuses directions, par exemple de traiter de la formation d’arc-en-ciel, de l’absence de certaines couleurs dans l’arc-en-ciel et des concepts de couleurs additives et soustractives. Le sujet est donc très riche et complexe tout en étant initialement accessible.
3.2. Écriture de l’histoire
C’est avec ces questions en tête que l’histoire de Pascale a été écrite, divisée en deux sections traitant chacune d’un des grands thèmes. On y a d’ailleurs cherché à accentuer certaines caractéristiques des personnages principaux de l’histoire. En effet, les deux élèves, Pascale et Isaac, sont tous deux curieux et énergiques. Pascale possède un caractère calme et posé, mais Isaac est plutôt impulsif. Il a aussi tendance à tirer des conclusions basées sur l’autorité, représentée par Monsieur Mathieu, le professeur, qu’on voit comme un pédagogue offrant des pistes de solution plutôt que des réponses. (Voir annexe au bas du présent texte.)
3.3. Animation et Expérimentation
L’animation a été séparée en deux : Antoine et Émily ont animé alors qu’Oumar et Guillaume ont observé la communauté et les animateurs. Les animateurs ont eu comme mandat de diriger la délibération et s’assurer de sa fluidité, alors que les observateurs ont dû identifier les outils de communication utilisés par les enfants et analyser le déroulement de l’activité dirigée par les animateurs. Il est important que les animateurs puissent détecter des étapes de la méthode scientifique et les encourager, par exemple en demandant des réponses à une intervention précise. Le travail des observateurs, quant à lui, était crucial pour garder des traces des résultats et évènements de l’activité, puisque la classe en était à sa première communauté de recherche et notre activité, à sa première version.
L’expérience préparée pour cette activité est celle de la diffraction de la lumière par un prisme. Nous avons arrêté notre choix sur cette expérience, puisqu’elle demande peu de manipulations et de matériel : il suffit de faire passer un faisceau de lumière qui peut être ambiante à travers prisme de verre (voir Figure 1). L’objectif était d’intégrer cette expérience dans la délibération au moment où il y aurait une mention de la distinction entre couleur de lumière et couleur de pigment, la possibilité de création d’arcs-en-ciel par autre chose que la pluie ou si l’activité semblait piétiner. Elle constituerait ainsi un outil permettant de fournir plus d’information à la communauté, en plus d’encourager l’utilisation de ces nouvelles connaissances pour l’élaboration d’une explication.
Figure 1 – Expérience de la décomposition de la lumière blanche par un prisme
3.4. Présentation de la classe
C’est une classe de 5e année de l’école primaire Anne-Hébert à Québec qui a été sélectionnée. Le professeur était très ouvert et s’est montré réceptif aux demandes de l’activité (mettre les chaises en rond pour faciliter la communication ou imprimer l’histoire pour le nombre d’élèves). La classe était composée de 26 élèves (dont 23 étaient présents lors de l’activité). De plus, la classe était constituée de 21 garçons pour 5 filles.
3.5. Compte-rendu de l’activité
L’activité a eu lieu conformément à ce qui a été énoncé dans la méthodologie. Quelques imprévus ont eu lieu, comme anticipé pour une nouvelle activité dans une classe de ce groupe d’âge. Le déroulement a été le suivant :
— Arrivée des élèves en classe et prise en charge de la classe par le professeur (la CRP était la première activité de la journée) avec un exercice pour les calmer.
— Présentation des animateurs ainsi que des observateurs. Les rôles d’animateur, de participants et d’observateurs ont alors été clairement définis et les élèves ont été très réceptifs à cette prise en charge.
— Déplacement des bureaux (temps à prendre qui n’avait pas été prévu) pour permettre de placer les élèves en forme de cercle.
— Présentation des consignes de lecture et de discussion. Les élèves n’ont pas été avertis du but de la lecture (dégager des interrogations).
— Lecture du conte à voix haute. Quelques élèves avec des difficultés en lecture ont eu de la misère à prononcer certains mots utilisés (éclaboussure par exemple).
— Écriture des questions au tableau interactif (tableau à craie non disponible). Le professeur a été d’une grande aide pour sécuriser les élèves par rapport à l’activité qu’on leur propose. Un des animateurs fournit un exemple de question pour aider les élèves. Les questions écrites par la classe sont les suivantes :
- Pourquoi on ne peut pas atteindre l’arc-en-ciel?
- Le cyan est quelle sorte de couleur?
- Pourquoi on ne trouve pas toutes nos couleurs dans un arc-en-ciel?
- Quelle est la différence entre ce que M.Mathieu [personnage de l’histoire] et Isaac [personnage de l’histoire] ont fait avec les couleurs?
— Les élèves votent autant de fois qu’ils le veulent pour choisir une question. La question retenue est «Pourquoi on ne trouve pas toutes nos couleurs dans un arc-en-ciel?».
— Démarrage de la discussion suite à la sélection de la question 3. Plusieurs élèves sont timides et la discussion est dominée par deux ou trois élèves. Les animateurs ont l’idée d’impliquer les élèves en demandant des exemples personnels.
— Suite à la demande des élèves (ce qui était prévu dans la méthodologie), les animateurs ont présenté l’expérience faisant appel à un prisme pour séparer la lumière. Par la suite, les participants ont pu émettre des hypothèses en se basant sur des faits alors directement observés.
— À mesure que la discussion avance, plus d’élèves se sentent impliqués et moins intimidés à l’idée de communiquer leurs idées. Les animateurs invitent les élèves à faire des choix sur les discussions sur lesquelles ils souhaitent passer du temps.
— Après 50 minutes de délibération, on voit que les élèves sont exténués et ne sont plus capables de fournir l’effort intellectuel pour soutenir la discussion. La délibération tourne en rond et il n’y a plus d’écoute.
— Un retour sur ce que les élèves ont apporté à la discussion a été fait par les animateurs, ensuite les observateurs ont parlé aux élèves pour ressortir ce qui a été compris au niveau de l’utilisation des outils de pensée (donner des raisons, justifier ses propos et écouter les autres notamment). La plupart des élèves, même ceux n’ayant que très peu participé, ont semblé aimer l’activité pour la communication qu’il a été possible d’établir entre eux.
Sur les 23 jeunes qui étaient présents lors de l’activité, 13 ont participé en utilisant un droit de parole. Or, il faut noter que la discussion a été menée par un groupe restreint de 3 ou 4 élèves qui ont pris la tête de la conversation.
4. Analyse des attitudes
4.1. Présentation des consignes
Les animateurs ont introduit les participants à l’activité en leur disant qu’ils seraient invités à discuter en groupe autour d’une question scientifique. Les animateurs n’ont cependant pas expliqué en détail les étapes du processus que la communauté suivrait. Cette façon de faire a été motivée par deux raisons principales : la contrainte de temps qui poussait à passer rapidement à la discussion et la volonté de ne pas donner aux enfants l’impression que la structure de la communauté de recherche est trop rigide. La lecture du texte a donc suivi, sans que les enfants soient informés du fait qu’ils devront formuler des questions après la lecture. Il semble que puisque les enfants en étaient à leur première participation à une communauté de recherche, cette façon de procéder a favorisé une certaine gêne au départ. Une présentation plus détaillée de la forme que l’activité allait prendre aurait probablement mené à une participation plus rapide des enfants. De plus, il aurait été pertinent de faire aux participants un rappel du fait qu’ils devront formuler des questions à caractère scientifique après la lecture du texte. Une telle approche aurait permis aux enfants de porter plus d’attention aux éléments susceptibles de faire l’objet d’une réflexion dans le texte. Cela aurait été d’autant plus important que les questionnements de nature scientifique viennent en général moins spontanément que les questionnements philosophiques.
4.2. Lecture du texte et formulation des questions
La lecture du texte s’est faite à haute voix et à tour de rôle par tous les participants et les animateurs. Pour les mêmes raisons que dans la communauté de recherche philosophique, cette méthode a semblé la plus adéquate pour les raisons suivantes. Premièrement, cela a permis à chaque participant de s’exprimer et de se sentir pour une première fois impliqué dans la communauté. Cela favorise ainsi l’exercice de l’écoute entre les participants et leur permet de remarquer qu’ils seront autant impliqués et sollicités que leur professeur ou les animateurs. Deuxièmement, la lecture du texte à haute voix permet aux enfants de s’identifier plus facilement aux personnages du texte et de s’approprier leurs questionnements. Les enfants, ayant déjà énoncé les questions posées par les personnages du texte, se voient aidés lors de la formulation de leurs propres questions. L’histoire n’a pas semblé poser de difficulté de lecture ou d’interprétation aux enfants. Tout de même, deux ou trois enfants ont buté sur des mots à quelques reprises, mais le texte était d’un niveau approprié.
La formulation des questions par les enfants a été rendue plus difficile que prévu par l’environnement de la classe. En effet, il n’y avait qu’un seul tableau intelligent pour lequel il n’y avait qu’un seul crayon disponible. Ainsi, l’absence de tableau accessible à tous a fait que les enfants ont dû aller à tour de rôle écrire leurs questions. Cela a eu deux désavantages principaux : les enfants étaient plus gênés de poser leurs questions devant leurs camarades et l’écriture des questions a pris plus de temps que prévu. Il y a donc eu peu de questions formulées par rapport à ce que l’on observe dans une communauté de recherche philosophique. Le faible nombre de questions peut aussi être expliqué par d’autres facteurs. D’abord, comme il a été mentionné précédemment, les consignes sur la formulation des questions n’ont été données qu’après la lecture du texte. Ensuite, les enfants ont formulé leurs questions individuellement malgré la permission de le faire en équipe qui avait été donnée immédiatement après la lecture. De plus, pendant qu’un de leur camarade allait écrire une question au tableau, la plupart des enfants étaient distraits : certains cessaient leur recherche pour évaluer la question posée tandis que les autres centraient leur attention sur autre chose. Conséquemment, le temps passé à réfléchir sur le texte a été très court pour les participants. Il aurait été favorable de donner aux élèves un certain temps en équipe pour revenir sur le texte et penser à des questions. Il est souvent plus facile de formuler des questions en équipe qu’individuellement et beaucoup de questions ne viennent qu’après un retour sur le texte, non pas immédiatement après la lecture.
Les questions formulées par les enfants montrent qu’il y avait suffisamment de sujets d’interrogation dans le texte. De plus, les questions reprenaient pour la plupart celles qui étaient directement énoncées par les personnages du texte. Il semble donc qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’une communauté de recherche centrée sur des questions scientifiques ait de la difficulté à trouver des questions intéressantes. Il est par contre nécessaire que le texte fournisse des pistes explicites, du moins pour des enfants qui ne sont pas familiers avec la communauté de recherche. Si le texte fourni aux enfants n’avait pas déjà proposé de questions sous forme aussi claires, il est possible que les enfants aient manqué d’inspiration. Ces questions proposées dans le texte avaient aussi pour vertu de fournir des exemples du genre de questions qui sont attendues. Le choix de la question s’est fait par un vote libre. C’est une question pour laquelle les animateurs étaient préparés, ce qui s’est avéré particulièrement important, entre autres pour la raison que c’est une question pour laquelle l’expérience préparée était pertinente.
4.3. Collaboration et écoute dans la communauté
Le souci de collaborer a semblé globalement manquer pendant le début de la communauté de recherche. Il a fallu attendre la moitié de la délibération pour un voir un participant appuyer explicitement son propos sur celui d’un de ses camarades. Par la suite, plus de participants ont élaboré leurs idées à partir de celles des autres. Il semble que le manque de cohésion initial du groupe s’explique largement par le fait que c’est la première fois que les enfants participaient à une communauté de recherche. C’est une habileté qui se développe en grande partie par la pratique, tel que nous avons pu le constater lors de notre participation aux premières communautés de recherche philosophiques universitaires. Cependant, les animateurs auraient probablement dû insister sur l’importance de la collaboration dès le début de l’activité.
Une conséquence du manque de coopération est le fait qu’il n’y a eu aucune tentative de reformulation de la part des participants. Cela aurait été utile puisque beaucoup d’hypothèses intéressantes, mais formulées de manière floue ont été amenées. Les animateurs ont donc fait plusieurs interventions pour reformuler les propos des élèves. Il est d’ailleurs arrivé que les animateurs déforment quelque peu les propos des participants. Par exemple, un des enfants a tenté de faire une distinction entre les couleurs chaudes et froides pour expliquer le mélange des couleurs. L’animateur a reformulé les propos en disant que la distinction devait se faire entre les couleurs primaires et secondaires, ce qui n’était pas exactement le propos de l’enfant. Cette attitude s’explique par le fait que les animateurs peuvent vouloir, consciemment ou non, mettre les enfants sur la «bonne direction» en reformulant leurs propos. Pour éviter de tomber dans ce piège, la meilleure solution pour les animateurs serait probablement de demander l’aide d’un participant volontaire pour reformuler les propos.
Même s’il y a eu peu d’exemples de collaboration, les enfants ont manifesté beaucoup d’écoute lors des interventions de leurs camarades. Excepté quelques minutes avant la fin où l’attention de quelques enfants a été perdue, tous les enfants ont écouté lorsque les autres parlaient. Pour plusieurs, le début de la discussion était exclusivement consacré à l’écoute puisqu’un rythme rapide s’est installé dès le début. En effet, deux ou trois participants semblaient déjà posséder des connaissances assez avancées sur le sujet des couleurs et de la lumière. La discussion a donc tourné autour de leurs interventions pendant quelques minutes. C’est un exemple qui manifeste une des différences entre le traitement des questions philosophiques et scientifiques : là où autour d’une question philosophique les participants partent le plus souvent à égalité dans leurs connaissances préalables, ce n’est pas toujours le cas pour une question scientifique. Il faut donc savoir comment composer avec le fait que les élèves possèdent des niveaux de connaissances différents, ce qui n’est pas une tâche facile pour l’animateur.
4.4. Apport d’hypothèses et de raisons
Beaucoup d’hypothèses ont rapidement été données pour répondre à la question, ce qui a d’ailleurs été encouragé par les animateurs. Cependant, dans un premier temps, seulement deux ou trois enfants ont donné des hypothèses. Comme mentionné plus haut, ces enfants avaient probablement acquis ces hypothèses avant même de commencer la communauté de recherche. Dans un deuxième temps, les autres enfants ont aussi participé à l’élaboration d’hypothèses. Les animateurs ont, à plusieurs reprises, isolé les principales hypothèses présentées pour les soumettre à l’examen de la communauté. Cela a été bénéfique pour recentrer la délibération. Un animateur a même écrit les hypothèses au tableau pour inviter les enfants à y faire référence.
Cependant, là où il y a eu beaucoup d’hypothèses, peu d’enfants ont apporté des raisons. La plupart des interventions prenaient une forme telle que : «Moi, je pense que seuls les prismes peuvent diffracter la lumière». Un contre-exemple notable, puisqu’il a été la source d’une réflexion riche dans la communauté, est celui d’un participant qui soutenait que la lumière était diffractée parce que les particules qui composent les prismes ont la propriété de pouvoir rediriger la lumière d’une façon particulière. Cette intervention a amené à une évaluation de raison lorsqu’un des élèves a affirmé : «Je trouve que cette hypothèse n’est pas assez crédible puisque ce n’est pas comme si les particules avaient des bras pour lancer la lumière». Tout comme la collaboration, on peut s’attendre à ce que cette attitude d’apporter et d’évaluer les raisons se développe par la pratique de la communauté de recherche. D’ailleurs, les enfants en ont eux-mêmes pris conscience puisque lors du retour à la fin de l’activité, un d’entre eux a mentionné qu’il a senti qu’il devenait de plus en plus important se justifier avant de faire une affirmation.
Les exemples ont joué un rôle important dans de la communauté de recherche. Les animateurs ont demandé des exemples de situations dans lesquelles on peut voir un arc-en-ciel au début de la communauté de recherche, juste après avoir demandé des hypothèses. Cela s’est avéré être une excellente idée puisque cela a permis à plus de participants de se sentir impliqués en reliant la question à leur expérience personnelle. Un des exemples apportés a aussi permis d’introduire l’expérience avec le prisme. Par contre, les exemples ont rarement servi de raisons pour appuyer un point de vue ou de contre-exemple pour infirmer une hypothèse. C’est un rôle que peuvent avoir les exemples, encore plus dans les questions scientifiques, puisqu’il est souvent plus facile qu’en philosophie de trouver des exemples concrets.
4.5. Élaboration d’une expérience
La possibilité d’introduire une expérimentation dans le processus de délibération est un élément important que permet le traitement de questions scientifiques. Les animateurs ont eu l’occasion d’amener l’expérience avec le prisme lorsqu’un des participants a donné l’exemple du fait que cet objet permet de séparer les couleurs. Les animateurs ont alors proposé au groupe de faire l’expérience avec un véritable prisme. Il est bien que l’expérience ait été amenée suite à une idée formulée par la communauté. En effet, le rythme de la délibération n’a pas été brisé et l’expérience apparaissait comme une manière naturelle de poursuivre l’exemple du participant. Les participants ont semblé apprécier grandement le fait de pouvoir observer directement l’arc-en-ciel. Cependant, contrairement à ce qui avait été prévu, les animateurs ont géré entièrement la conduite de l’expérience. C’est principalement la grande excitation du groupe qui a motivé ce choix. Les animateurs ont senti qu’il valait mieux prendre la direction de l’expérience pour éviter de perdre le contrôle des élèves. Dans le contexte d’un groupe plus calme ou ayant l’habitude de participer à ce genre d’activités, il faudrait autant que possible demander aux participants de concevoir eux-mêmes l’expérience. Cela aurait l’avantage de leur faire s’approprier cet outil pour qu’ils évaluent ensemble leurs raisons.
D’un autre côté, les animateurs ont mis une grande attention sur le fait d’encourager les participants à interpréter les résultats de l’expérience. Un animateur a demandé au groupe qui observait l’arc-en-ciel «Quelles sont les couleurs que vous observez dans l’arc-en-ciel?», pour ensuite demander «Quelles sont les couleurs que vous n’observez pas dans l’arc-en-ciel?». La première question visait à énoncer de façon factuelle les résultats de l’expérience, tandis que la seconde encourage à les interpréter en lien avec la question. À ce moment, les participants se sont rendu compte de l’utilité que pouvait avoir l’expérience comme critère d’évaluation. La discussion a continué sur des bases plus solides à partir de ce moment.
L’expérience menée, par sa simplicité, n’invitait pas de façon évidente à poser des questions sur ses limites. Les animateurs n’ont donc pas particulièrement encouragé ce genre de réflexion chez les participants. Il est intéressant de noter qu’un d’eux a implicitement indiqué un facteur d’incertitude dans l’expérience. L’élève a formulé l’hypothèse que les couleurs qui ne semblent pas se trouver dans l’arc-en-ciel se trouveraient en fait entre les couleurs que nous pouvons observer. L’enfant a donc d’une certaine façon mis en doute la précision de nos yeux pour interpréter correctement les résultats de cette expérience.
5. Conclusion
Pendant longtemps, l’enseignement des sciences de la nature était intimement lié avec l’utilisation d’outils de pensée philosophiques. L’enseignement magistral qui semble avoir pris la place ne semble cependant pas porter les résultats souhaités [1]. En proposant la communauté de recherche comme façon stimulante d’enseigner la pensée philosophique et la méthode scientifique, il semble possible de pallier à certains problèmes du système présentement en place.
L’objet de cette réflexion était dans un premier temps d’examiner comment les sciences peuvent s’insérer dans une communauté de recherche et les nouveautés qui devraient être introduites par rapport à la communauté de la recherche philosophique. Il a semblé que les objectifs poursuivis par la CRP coïncident de façon presque identique avec ceux qui doivent être atteints dans l’enseignement des sciences. Les seuls changements qui ont été considérés sont donc ceux qui sont liés aux conditions spécifiques de la méthode scientifique. En particulier, la possibilité de mener une expérience et d’en utiliser les résultats pour faire progresser la recherche est un ajout qui serait bénéfique dans le traitement de questions scientifiques par une communauté de recherche.
Dans un deuxième temps, une expérimentation a été menée dans une école pour avoir une idée concrète de la faisabilité de cette approche. Les outils (en particulier une histoire originale) et les conditions avec lesquelles cette activité a été réalisée ont été exposés. La conduite de l’activité par les animateurs et les attitudes manifestées par les enfants ont été évaluées pour comprendre les contraintes que cette méthode impose. Il a été possible de conclure que la plupart des attitudes de bon raisonnement scientifiques sont déjà présentes, même chez des enfants vivant une communauté de recherche pour la première fois. Avec des animateurs et des participants plus expérimentés, il est évident que la communauté de recherche permettrait de remplir les objectifs fixés.
Puisqu’il semble que la communauté de recherche puisse s’insérer avec succès dans le contexte de l’enseignement des sciences, il est logique de se demander dans quels autres domaines de l’enseignement cette approche pourrait porter ses fruits. En effet, les attitudes que la CRP encourage à développer semblent s’appliquer dans tout type d’enseignement. Il est clair que le genre d’expérimentation qui a été menée dans le cas des sciences gagnerait à être effectué dans d’autres matières.
Références
[1] Brisson G et al. L’enseignement de la science et de la technologie au primaire et au premier cycle du secondaire. 2013.
[2] Gingras Y.; Keating P; Limoges C. Du Scribe au Savant (French Edition). Boréal, 1999. isbn : 2764600046.
[3] Sasseville M. La pratique de la philosophie avec les enfants (French Edition). LES PRESSES DE L’UNIVERSITÉ LAVAL, 2009. isbn : 2763788319.
[4] Ministère de l’éducation du Québec. Prendre le virage du succès. Plan d’action ministériel pour la réforme de l’éducation. 1997.
[5] Kunh T. S. La structure des révolutions scientifiques (French Edition). Flammarion, 2008. isbn : 2081214857.
Annexe: Le chapitre de l’histoire inventée par les 4 étudiants et utilisée avec les élèves
Titre à venir
CHAPITRE PREMIER
Je n’aime pas la pluie : mes cheveux deviennent frisés et mes pantalons sont sales. Isaac n’arrête pas de m’éclabousser en sautant dans les flaques d’eau. Il dit qu’en éclaboussant l’eau, on peut voir des arcs-en-ciel.
‐ Regarde Pascale, j’ai réussi ! Vois-tu au-dessus des arbres là-bas, il y a un arc-en-ciel !
‐ Es‐tu certain Isaac? Allons demander à M. Mathieu si nous pouvons aller voir l’arc-en-ciel de plus près ! Il est si beau!
M. Mathieu, c’est notre professeur. Il nous aide toujours à trouver une réponse à nos questions. Il dit que c’est important de poser des questions. J’aime ça parce que je suis très curieuse. Mais cette fois-ci, M. Mathieu dit qu’on ne peut pas aller voir l’arc-en-ciel parce qu’il est trop loin :
‐ Regardez l’arc-en-ciel maintenant. Trouvez-vous votre couleur préférée?
‐ Oui, dit Isaac ! Je la vois, elle est toute en bas, juste au dessus des arbres!
‐ Et toi Pascale ? , me demande M. Mathieu.
Je regarde et je cherche partout dans l’arc-en-ciel. Je ne trouve pas ma couleur préférée ! Pourquoi ma couleur préférée n’est pas dans l’arc-en-ciel ?
‐ Ce n’est pas grave Pascale si tu ne trouves pas ta couleur ! Elles ne sont pas toutes dans l’arc-en-ciel, me dit M. Mathieu.
Je veux lui demander pourquoi, mais j’entends déjà la cloche sonner. C’est la fin de la récréation. Il faut se mettre en rangs pour retourner en classe.
* * * * *
Isaac est assis à côté de moi et n’arrête pas de me parler, même si M. Mathieu a demandé le silence.
Lorsqu’il obtient le silence, M. Mathieu nous explique que nous ferons une activité sur les couleurs. Il nous montre sur son projecteur qu’en mélangeant de la lumière verte, rouge et bleue, on peut faire de nouvelles couleurs.
‐ Maintenant, je vais vous demander de dessiner votre maison de rêve. Attention : vous n’avez le droit de choisir que trois couleurs ! , nous dit M. Mathieu.
Isaac lève sa main :
‐ Trois couleurs, ce n’est vraiment pas assez ! Il m’en faudrait au moins six!
‐ Attends que je donne toutes les consignes, Isaac. Pour avoir plus de couleurs, tu as le droit de mélanger les trois couleurs que tu as choisis pour former de nouvelles couleurs !
Isaac se précipite vers les pots de peinture et choisis exactement les mêmes couleurs que M. Mathieu. Il prend tout de suite la peinture verte, rouge et bleue. Quand j’arrive au comptoir à peinture je prends mon temps pour choisir les couleurs que je préfère et je retourne à ma place.
‐ Ark! , me dit Isaac. Tu as pris de la peinture rose!
‐ Non, ça s’appelle du magenta et ça sera très beau avec le cyan et le jaune que j’ai choisis.
Isaac commence à mélanger ses couleurs, mais n’arrive pas à obtenir la couleur qu’il cherche ! Il fronce les sourcils et ajoute de plus en plus de couleurs.
‐ M. Mathieu, demande Isaac, je ne comprends pas! Je mélange les mêmes couleurs que vous, mais ça ne fonctionne pas!
‐ Isaac, demande M. Mathieu, peux‐tu trouver une différence entre ce que tu as fait et ce que j’ai fait ?
Je rigole en silence, parce que je connais la réponse à la question de M. Mathieu.
* * * * *
Je suis vraiment flatté pour cette communauté de recherche à la résolution de la question : « d’où viennent nos pensées ». Les trois hypothèses à la résolution de ce questionnement me paraissent explicatives et vérifiables. Ma préoccupation renvoie à un autre questionnement : « l’homme formule par jour 60. 000 pensées, soit, une pensée toutes les 3 secondes. 80% de ces pensées sont négatives ». Qu’est-ce qui explique ce phénomène, étant entendu que le cerveau est un système de survie qui est continuellement à la recherche de solutions ?
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