
«Nous cherchons tous le repos. Partout, dans ce que nous faisons, dans ce que nous disons, c’est le repos qui est désiré, le sommeil bienheureux dans une parole, dans un amour, dans un travail. C’est pour trouver le sommeil dans une vérité que nous commençons à apprendre. C’est pour goûter au sommeil de la chair – à son endormissement entre les bras de l’autre – que nous tombons amoureux. C’est pour jouir du sommeil minéral d’une fatigue que nous entreprenons mille et un travaux. Il y a une aimantation de la vie vers le sommeil. La vie en nous ne tend qu’à se reposer, qu’à se déprendre enfin d’elle-même dans un amour, dans un savoir, dans un emploi. Partout, dans toutes nos occupations, là même où nous nous croyons le plus éveillés, là même nous cédons à cette attirance d’un sommeil.
L’enfance là-dedans est l’exception. L’enfance est dans la vie comme une chambre éclairée dedans la maison noire. Les enfants n’aiment pas aller dormir, n’aiment pas ce congé chaque soir donné à la vie. Cette résistance au sommeil, c’est le visage de l’enfance et c’est la figure même de l’excès: poser des questions qu’aucune réponse ne viendra endormir.» La merveille et l’obscur – Christian Bobin