Grandir en humanité par la philosophie pour enfants: 2- l’humilité

libéraux

André Compte Sponville, dans son Petit traité des grandes vertus, Paris, PUF, 1995, disait de l’humilité qu’elle «n’est pas ignorance de ce qu’on est, mais plutôt connaissance ou reconnaissance, de tout ce qu’on n’est pas.» (p. 187).  Voilà une bien belle porte d’entrée pour saisir ce qui se passe dans une communauté de recherche philosophique.

Pour ceux et celles qui n’ont pas encore trouvé réponse à la question: mais dans quoi sommes-nous? force est d’admettre que nous sommes dans un immense mystère.  Vivant dans l’infini de l’espace et du temps, sur une petite planète de rien du tout, il n’y a qu’à s’incliner devant tant de grandeur.  Mais pour se rehausser, certains s’avancent avec la certitude qu’ils savent dans quoi nous sommes, ce qu’est la vie, le bonheur, la joie, l’amour, etc.  Pourtant, quand on met ces objets de recherche au coeur d’une discussion philosophique avec les enfants, ou les adultes, on a tôt fait de saisir que tout n’est pas clair et que le chemin est encore bien long avant d’arriver à pouvoir prétendre: moi, je sais.

Devant l’océan d’ignorance dans lequel nous sommes (ce qui confirme d’ailleurs notre égalité de fait et pas seulement de droit), il ne reste qu’une chose à faire: se relever les manches et tenter de résoudre ensemble les problèmes que nous rencontrons.  Ici, plus question de prétendre savoir alors que l’autre ne sait pas, mais plutôt affirmer que l’aide précieuse de tous et toutes pourrait être fort utile si on souhaite s’en sortir.

Or dans une communauté de recherche philosophique, c’est exactement cela qui se passe.  Chacun, à sa manière, sans s’imposer, sans prétendre qu’il sait pour de vrai, apporte sa contribution à la recherche avec le souci de faire avancer celle-ci, même si elle semble aller dans une direction qui n’est pas celle de ses croyances de départ.  Car l’important n’est pas de faire croire aux autres ce que vous croyez, mais de mettre ces croyances pour un temps entre parenthèses (le temps de la recherche) et de partager votre questionnement, vos présupposés, votre faillibilité, votre vulnérabilité, le sens que vous donnez à telle ou telle action, afin que ce partage devienne un ingrédient permettant d’avancer ensemble vers une solution provisoire du problème qui est traité par la communauté.

Et pour cela, il importe d’être humble.  « Sans humilité, le moi occupe tout l’espace disponible et ne voit l’autre que comme objet ou comme ennemi.» (Comte Sponville, p. 196).  Dans une communauté de recherche, le moi est le résultat du nous (non l’inverse).  Et chacun, comme l’évoquait Ann Margareth Sharp (1), sait reconnaître l’autre comme un cadeau dont il importe de prendre soin. Vivre une communauté de recherche, c’est apprendre à intérioriser peu à peu cette force morale qu’est l’humilité.  Et quand celle-ci est présente, la confiance n’est jamais loin.  Cette confiance si précieuse qui invite à la créativité.

1- Ann Margaret Sharp. 1994. « Feminism and Philosophy for Children : The Ethical Dimension ».Thinking, Vol. 11, Nos 3-4,  p. 26.

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