Le rôle de la logique dans le programme de philosophie pour enfants

Afin de cerner le rôle que joue la logique dans ce programme de philosophie, nous examinerons d’abord ce qu’il faut entendre par « la logique ».  Puis nous étudierons la façon dont elle est introduite dans les différents romans du programme, en portant une attention particulière à la structure qui unit les quatre premiers romans du programme.  Par la suite, ayant présenté les motifs qui conduisirent Matthew Lipman à introduire dans son programme une seconde logique, une sorte d’hybride de la première – une logique dite « informelle » –, nous examinerons les deux objectifs que poursuit cette logique, soient: la recherche et l’évaluation des raisons.

L’un des objectifs poursuivi par le programme de philosophie pour les enfants concerne le développement des habiletés intellectuelles. Celles-ci sont nombreuses et diversifiées.  Dans un article publié en 1985, Matthew Lipman identifie trente habiletés de pensée et, bien que ce nombre puisse impressionner, il prend soin d’ajouter que cette liste n’est pas exhaustive. La prolifération, en même temps que la diversité de ces habiletés intellectuelles pourraient nous amener à croire que nous sommes devant quelque chose d’impossible à cerner ou à traiter. Pourtant, le programme de philosophie pour les enfants semble faire la preuve du contraire. Regroupant ces diverses habiletés sous l’une ou l’autre des catégories suivantes: habileté à raisonner (reasoning skill), habileté à rechercher (inquiry skill), habileté à former des concepts (concept-formation skill) et habileté à traduire (translation skill), il propose un modèle éducatif qui permet d’entrevoir la possibilité d’un développement intégré de ces habiletés.  Chacune de ces « méga-habiletés » est introduite par une discipline différente.  Ainsi, l’habileté à raisonner relève principalement de la logique; celle de la recherche est en relation avec la recherche scientifique; la formation des concepts et la philosophie semblent étroitement reliées; enfin la linguistique s’occupe de cette habileté très particulière qui consiste à traduire.

Cependant, malgré cet effort de classification, il existe une certain flottement dans la définition des habiletés proposée par Matthew Lipman.  En effet, si à certains moments les habiletés à raisonner semblent être différentes des autres habiletés, cependant il arrive quelquefois que toutes ces habiletés soient couvertes par une seule et même catégorie: l’habileté à raisonner.

Selon cette optique, la logique occuperait une place considérable dans ce programme, étant finalement la seule discipline apte à promouvoir le développement des habiletés intellectuelles.  Cependant, à moins d’élargir considérablement le champ d’application de la logique, au point d’intégrer en elle des considérations relevant de la grammaire, de la sémantique, de la recherche scientifique et de la psychologie,  il apparaît plus juste de ne pas surestimer son importance dans le programme de philosophie pour enfants et de voir en elle une discipline nécessaire mais non suffisante pour le développement des habiletés intellectuelles de l’enfant.

1- Qu’est-ce que la logique?

Lorsqu’on cherche à définir une certaine réalité, il est parfois plus facile de commencer par dire ce qu’elle n’est pas.  Bien que la logique s’intéresse aux processus de l’intelligence, elle n’est pas cependant une science qui vise à décrire comment l’esprit humain pense, comme cela est le cas d’une partie de la psychologie par exemple. Intéressée par le langage, elle ne vise pas non plus, comme la grammaire, à décrire la manière de construire de bonnes phrases dans une langue particulière.  De plus, bien qu’elle s’interroge sur la connaissance que nous avons des choses qui nous entourent, elle ne doit pas être confondue avec l’épistémologie.

Science normative, la logique est plutôt un savoir qui fournit les critères permettant l’évaluation de cette activité particulière qui consiste à raisonner. Pour établir ces critères, les logiciens ont étudié et continuent d’étudier la cohérence qui se trouve dans le langage lorsqu’on utilise celui-ci pour dire ce que nous savons des choses dont nous avons l’expérience. Ce faisant, ils ont dégagé une série de règles nous permettant, non pas de penser – ce que nous faisons tous naturellement – mais de bien penser.

Quelles sont ces habiletés particulières pour lesquelles la logique est à même de fournir des règles nous permettant de les accomplir correctement? Depuis des milliers d’années, cette discipline s’occupe de trois grandes activités nettement distinctes, à savoir:

1-  l’activité qui consiste à définir, laquelle produira une connaissance ni vraie, ni fausse. Par exemple, si nous définissons « être humain » en disant: animal capable d’être bilingue, cette définition, en elle-même, n’est ni vraie, ni fausse.

2-  l’activité qui consiste à juger, laquelle produira une connaissance vraie ou fausse.  Par exemple, l’énonciation suivante: Tous les être humains sont capable d’être bilingues. est le signe écrit d’un jugement mental qui est nécessairement ou bien vrai ou bien faux.

3- l’activité qui consiste à raisonner, laquelle produira une connaissance prouvée. Par exemple, si nous disposons côte à côte les deux phrases suivantes: Tous les êtres capables d’être bilingues sont aptes à philosopher.  Or, tous les être humains sont capables d’être bilingues. nous obtiendrons une troisième phrase: Tous les êtres humains sont aptes à philosopher., laquelle sera non seulement vraie, mais qui plus est, considérée comme étant prouvée vraie par la présence des deux autres qui la précèdent.

En somme, sous le grand chapeau de l’intérêt que la logique possède pour la cohérence qui se trouve dans le langage, lorsqu’on utilise celui-ci pour dire ce que nous savons des choses que nous connaissons, se cachent trois sujets ou habiletés spécifiques.  Et sous ces habiletés se dessinent une série d’opérations encore plus particulières. Ainsi, s’engager dans l’opération qui consiste à définir implique celle de catégoriser et de diviser; le jugement, de son côté, fait intervenir des opérations telles l’opposition des énonciations et leur conversion; enfin le syllogisme (ou déduction) est un terme qui englobe au moins deux grandes activités: syllogisme catégorique et syllogisme hypothétique.

Chacune de ces activités est subordonnée à un ensemble de règles, lesquelles nous permettent de se prononcer sur la validité des opérations.  En ce qui concerne la première opération, la logique nous enseigne par exemple que toute définition doit s’appliquer à tout le défini et seulement au défini. Ainsi, si je définis un « téléphone » de la façon suivante: instrument de communication, je suis en train de transgresser cette loi puisque s’il est vrai que tous les téléphones sont des instruments de communications, il est faux de dire cependant que seuls les téléphones le sont puisque la radio, par exemple, fait aussi partie des instruments de communication.

Concernant la deuxième opération, la logique nous dit par exemple que la conversion de toute énonciation universelle affirmative dont le sujet et le prédicat sont différents est fausse. Dès lors, si nous prétendons que l’énonciation «Tous les concombres sont des légumes.» est vraie, alors nous ne pouvons pas en même temps affirmer que sa converse «Tous les légumes sont des concombres.» est vraie, à moins de transgresser cette loi concernant la conversion des énonciations.

Enfin, en ce qui a trait à la troisième opération, nous savons par exemple qu’un syllogisme n’est pas valide si le moyen terme dont il est constitué est pris deux fois particulièrement. Ainsi le raisonnement suivant: «Tous les animaux respirent. Or, tous les chiens respirent. Donc tous les chiens sont des animaux.» est non valide quant à la forme. En effet, le moyen terme – êtres qui respirent – est deux fois particuliers (n’est pas pris au moins une fois universellement). Certes la conclusion est vraie, mais pas en raison des prémisses qui la précèdent.

.Ainsi, la logique se préoccupe de la validité des différents processus de la pensée, lorsque nous cherchons à dire ce que nous connaissons.  Voyons maintenant comment sont abordées chacune de ces opérations dans le programme de philosophie pour enfants.

2- La logique et le programme de philosophie pour les enfants

Le programme de philosophie pour les enfants propose une approche holistique concernant le développement des habiletés logiques.  En effet, chacun des romans fait intervenir l’ensemble des activités distinguées dans les paragraphes précédents.  Cependant, il semble que ces romans ne mettent pas nécessairement la même insistance sur chacune de ces opérations. Nous nous proposons donc d’examiner la ou les opérations qui font l’objet d’une attention plus particulière dans chacun des romans. Nous serons alors mieux placés pour saisir que sous l’approche holistique préconisée par ce programme se cache une structure progressive ou séquentielle, laquelle s’explique par la complexité croissante des opérations mises en vedette dans chacun des romans.

2.1- L’insertion de la logique dans les romans du programme

La découverte de Harry

Les chapitres 1 à 7 de ce roman sont consacrés presqu’entièrement à l’énonciation et aux différentes opérations particulières qui l’entourent. Dans le chapitre 1, Harry découvre les rapports logiques entre un sujet et un prédicat dans une énonciation universelle affirmative (tous… sont…) et universelle négative (Aucun… n’est…).  Cette découverte le conduit à découvrir aussi que la première énonciation ne se convertit pas alors que cela est possible pour la seconde.  Le chapitre 2 discute de la standardisation (ou uniformisation) des énonciations commencant par: l’ensemble, chaque, tout un chacun, les, un, le, etc… Le chapitre 4 introduit deux autres types d’énoncés logiques: Quelques…sont… et: Quelques… ne sont pas… Le chapitre 7 présente les énonciations qui expriment des relations réelles. Il y est question par exemple de la symétrie des relations (Si Paul a le même âge que Pierre, alors il est vrai de dire que Pierre a le même âge que Paul.)

Les chapitres 8 à 17 se consacrent plus particulièrement à la troisième opération: le raisonnement. Dans le chapitre 8, Harry et ses ami(e)s découvrent que lorsqu’on rapproche deux phrases, parfois une conclusion en découle. Ainsi, certaines relations sont du genre « qui se rapportent » et d’autres non. Cette découverte les conduit à reconnaître l’existence du syllogisme catégorique: Tous les b sont c. Or, tous les a sont b. Donc tous les a sont c.  Le chapitre 12 revient sur la deuxième opération en examinant les différentes oppositions entre les énonciations.  Le chapitre 14 introduit l’étude de la place du moyen terme (ou terme du milieu) dans le syllogisme.  Enfin, le chapitre 15 présente le syllogisme hypothétique et les différentes lois qui le gouvernent.

Ainsi qu’on peut le constater, plusieurs activités de la raison sont en jeu dans ce roman, mais son auteur a surtout mis l’emphase sur deux des trois activités que nous avons décrites plus haut: le jugement et le raisonnement.  Évidemment, cela ne veut pas dire que l’opération qui consiste à définir soit totalement absente de ce programme.  Toutefois l’importance qui lui est accordée dans les programmes précédents La découverte de Harry expliquent sans doute la relative absence de son étude dans celui-ci.

Pixie

En examinant la manière dont on s’y prend pour faire des analogies, des métaphores, des comparaisons, pour découvrir des ressemblances, pour identifier des exemples particuliers – et ce sont là des thèmes majeurs dans la nouvelle Pixie  –  l’enfant qui suit le programme Pixie acquiert lentenment les outils de base qui lui serviront pour définir ce à quoi il pense.  Ainsi, dans le chapitre 5, Pixie constate que l’énumération d’une foule d’exemples afin de dire ce qu’est une relation n’est pas adéquat pour définir cette réalité.

Car une définition, au sens strict, vise à livrer l’essence de la chose et non à indiquer les cas particuliers qui tombent sous cette essence.  Certes, fournir des exemples peut se révéler précieux pour faire connaître une chose, mais nous sommes encore loin de la définition proprement dite.  Et c’est en comprenant ce qui différencie un exemple d’une définition que l’enfant arrivera petit à petit à saisir ce qui compose une définition au sens strict et la manière dont il faut s’y prendre pour l’établir. Il en est de même lorsque l’enfant est confronté à des analogies, à des métaphores, à des ressemblances, etc…

Par ailleurs, il n’est pas étonnant que plusieurs chapitres de Pixie soient consacrés au thème des relations.  En effet, pour faire une définition, c’est-à-dire pour préciser le sens que doit avoir un certain objet de pensée, il est impératif d’établir des relations. Ainsi, on définira un « gratte-ciel » en disant que c’est un édifice extrêmement haut doté d’une structure d’acier.  En fait, nous sommes en train d’établir une relation entre « gratte-ciel » et « édifice extrêmement haut doté d’une structure d’acier ». C’est là une relation idéale à poser pour définir « gratte-ciel » puisque nous donnons alors l’essence même de cette réalité, en fournissant ce qu’il est convenu d’appeler en logique la compréhension de «gratte-ciel». On peut aussi établir une autre relation en disant qu’un gratte-ciel c’est, par exemple, Place Ville-Marie à Montréal ou l’Empire State Building à New-York.  Ici aussi nous établissons une relation, mais cette fois, elle s’institue avec les cas particuliers qui forment l’extension de gratte-ciel.  En figure:

Il existe plusieurs façons d’établir des relations. Nous venons d’en examiner deux seulement.  Le programme Pixie permet l’étude de toute une série, allant de la métaphore à l’exemple en passant par l’utilisation de l’analogie. Et justement, le thème sans doute le plus important dans Pixie est l’analogie.  Cela se comprend aisément puisque la reconnaissance et la formation des analogies sont extrêmement utiles dans la formation des définitions. En effet, définir suppose non seulement la capacité de reconnaître les similitudes ou ressemblances entre différents éléments (principe d’inclusion: dans l’exemple précédent, le terme qui a plus d’extension que « gratte-ciel », soit « édifice très haut »), mais aussi et surtout l’aptitude à préciser les différences qui existent entre elles (principe d’exclusion: dans l’exemple précédent, le terme qui a la même extension que « gratte-ciel », soit « doté d’une structure d’acier »). Or, établir une analogie consiste justement à reconnaître une similitude entre des choses tout en respectant les différences qui les séparent.

Le paragraphe qui précède peut laisser l’impression que le programme Pixie ne fait intervenir que la première opération logique. Ce n’est pas exact. Ce roman (et le guide pédagogique qui l’accompagne), comme tous les autres du programme, aborde l’ensemble des opérations logiques.  Mais, il est certain que l’opération qui consiste à définir, laquelle sous-tend une série d’opérations particulières, occupe une place privilégié dans ce programme.

Kio et Augustine

Lorsqu’on jette un coup d’oeil à l’index des exercices et des plans de discussion qui se trouvent dans le guide pédagogique, on réalise que ce programme accorde une importance quasi-égale à chacune des opérations logiques. En effet, plusieurs exercices sont consacrés à l’activité de classifier (principe d’inclusion dans la définition), de même qu’à celle d’identifier des différences (principe d’exclusion dans la définition); plusieurs autres visent la formation des concepts, l’exemplification; un seul cependant est consacré à la définition proprement dite. Par ailleurs une quantité importante d’exercices sont destinés à renforcer la troisième opération (le raisonnement). Ainsi, une vingtaine d’exercices sont consacrés aux raisonnements catégorique et hypothétique. Enfin, la deuxième opération est un peu moins élaborée dans ce roman. Ce qui ne veut pas dire cependant qu’elle soit absente complètement. Des exercices sur l’identification des contradictions, sur la formulation de questions et de réponses, sur les comparaisons – pour ne nommer que ceux-là – sont en étroite relation avec cette opération.

Toutefois, lorsqu’on s’arrête un peu plus longuement au contenu du roman, de même qu’à celui des exercices et plans de dialogue dont est composé le guide pédagogique, il semble que la formation des concepts – et du même coup l’opération de définition – occupe une place de choix dans ce programme.  Il est rare de rencontrer un chapitre qui n’aie pas en lui une référence explicite ou implicite à cette opération qui consiste à former un concept. Il faut se souvenir que Kio et Augustine est un programme de philosophie qui met l’accent sur des concepts scientifiques abordés en zoologie et en écologie. Au-delà de deux-cent concepts sont introduits dans le roman. En somme, la prédominance de la formation des concepts dans ce programme n’a rien de surprenant.  En fait, ce serait le contraire qui surprendrait.

Mais les exercices qui favorisent le développement de cette habileté sont différents de ceux présents dans le manuel accompagnant de Pixie.  Un exemple de la façon dont les enfants sont amenés à former des concepts se trouve à la page 75 du guide pédagogique.  Essentiellement, l’enfant est invité à trouver des synonymes, puis des antonymes du concept qu’il essaie de définir.  Enfin, il est conduit à identifier les termes qui sont à mi-chemin entre ces synonymes et antonymes.

Cette façon de procéder pour la formation des concepts implique une série d’opération allant de la classification à la distinction entre une différence de degré et une différence de nature.  Mais toutes ces opérations sont redevables, en dernière analyse, de la définition. En somme, il semble bien que Kio et Augustine accorde un peu plus d’importance à la première opération de l’intelligence.  Ce n’est pas le cas cependant avec Elfie.  Et c’est ce que nous allons voir dès maintenant.

Elfie

Ce programme vise principalement à aider l’enfant à reconnaître les différences entre les choses et à signifier ces différences par une distinction, de même qu’à reconnaître les ressemblances et à signifier ces ressemblances par une identification totale ou partielle. Ces thèmes sont introduits dans le roman de la façon suivante: le directeur de l’école organise un concours et le gagnant sera l’élève qui aura fait la meilleure distinction.  Mais plusieurs enfants de la classe ne savent pas ce qu’est une distinction. Avec l’aide de leur professeur, ils s’engagent donc dans un processus de recherche qui les conduira à reconnaître ce qu’est une distinction et, qui plus est, ce qu’est une bonne distinction.  Par le fait même, mais en contre-partie, ils seront amenés à comprendre l’activité qui consiste à identifier une chose à une autre.

Les activités de distinction et d’identification obligent l’enfant à s’engager principalement dans la deuxième opération (le jugement).  En effet, établir une distinction, c’est marquer la division qui existe entre deux choses. Or, pour signifier cette distinction, nous devons contruire une énonciation, laquelle est le signe du jugement mental que nous accomplissons. Ainsi par exemple, d’un côté j’ai des « pommes », de l’autre des « bananes »: ces deux choses comportent des différences. Lorsque je signifie cette différence en faisant la phrase suivante: Les pommes ne sont pas des bananes., je suis alors en train d’établir une distinction.

À l’opposé, établir une identification, c’est marquer la composition qui existe entre deux choses. Or, pour signifier cette identification, nous devons aussi construire une énonciation. Ainsi, d’un côté j’ai des « Québécois », de l’autre des « individus vivants au Canada »: ces deux choses ont une ressemblance.  Lorsque je signifie cette ressemblance en disant la phrase suivante: Les Québécois sont des individus qui vivent au Canada., je suis alors en train d’établir une identification.

Ici, comme partout ailleurs dans le programme de philosophie pour enfants, toutes les opérations logiques sont abordées.  Mais il va sans dire que, puisque les opérations de distinction et d’identification nous obligent à construire une énonciation, la deuxième opération sera davantage mise en évidence, son signe particulier étant l’énonciation. D’un autre côté, puisque qu’un autre volet tout aussi important du ptogramme Elfie sert au développement de bonnes distinctions, la présence de la troisième opération est inévitable.  En effet, une bonne distinction implique non seulement la présence d’une division signifiée par une énonciation, mais aussi la présence d’une bonne raison venant appuyer cette distinction. Or, lorsqu’il est question de raison – de preuve – la troisième opération prédomine.

Lisa, Suki et Marc

La présence de la logique dans ces romans est tout aussi importante que dans les romans précédents. Cependant, alors que dans Elfie, Kio et Augustine et Pixie les règles de la logique font simplement l’objet d’une pratique, ou sont présentées au titre même de règles comme cela est le cas dans La découverte de Harry,  en ce qui concerne Lisa, Suki et Marc, ces règles et lois de la logique font plutôt l’objet d’une application à des domaines différents.  Ainsi, dans Lisa, on voit ces lois appliquées dans le contexte d’une recherche éthique.  Dans Suki, ces mêmes lois sont mises en relation avec les techniques d’écriture et, plus généralement, avec un ensemble de problèmes relevant de l’esthétique. Enfin, dans Marc, les opérations de logique sont utilisées lors d’une recherche axée vers les domaines social et politique.

En somme, il n’y a pas vraiment dans ces trois derniers romans de nouvelles découvertes concernant la logique.  Ici et là, on rencontre certaines précisions en ce qui a trait à quelques règles. Mais dans l’ensemble, ces trois romans visent davantage l’application des lois découvertes précédemment que la découverte de nouvelles lois.

2.2- la structure séquentielle du programme

Avant d’examiner la structure séquentielle des thèmes de logique introduits dans le programme de philosophie pour enfants, revoyons d’abord comment a été pensé ce programme:

1- la première partie, qui regroupe les romans Elfie, Kio et Augustine, Pixie, vise la pratique des règles de logique;

2- la deuxième partie, composée d’une seule nouvelle La découverte de Harry, en plus d’amener les enfants à pratiquer les différentes opérations logiques, présente de façon explicite les principales lois qui gouvernent ces opérations;

3- enfin, la troisième partie, qui regroupe les romans Lisa, Suki et Marc, se propose de montrer aux enfants et adolescents comment il est possible d’appliquer ces lois à des problèmes et contextes tout à fait différents.

Maintenant, si on regarde de plus près la première et la deuxième partie, il est aisé de réaliser qu’elle font l’objet d’une séquence définie en fonction des opérations que l’enfant doit maîtriser avant de passer aux suivantes.  En d’autres termes, pour pouvoir accomplir correctement les opérations présentes dans La découverte de Harry, soient les quatre comparaisons qu’implique la construction d’un syllogisme (comparaison du sujet et du prédicat de la première prémisse, comparaison du sujet et du prédicat de la deuxième prémisse, comparaison du sujet et du prédicat de la conclusion, comparaison de l’antécédent et du conséquent), il faut d’abord, selon Lipman, avoir maîtriser la capacité de comparer deux comparaisons. Celles-ci sont en jeu dans Pixie, par le biais de l’analogie, laquelle implique la mise en relation de deux relations (par exemple: 2 est à 4 ce que 8 est à 16). Or, pour être en mesure d’accomplir correctement cette triple comparaison, il est nécessaire de maîtriser l’activité d’une double comparaison: c’est ce que favorise Kio et Augustine par l’importance qu’il accorde à la formation des objets de pensée (ses synonymes et ses antonymes: ce n’est là évidemment qu’une façon parmi d’autres d’utiliser des outils concernant la formation de concepts).  Enfin, la mise en relation d’un concept avec deux autres supposent que nous soyons capable d’établir la relation entre deux concepts.  Et c’est ce que développe Elfie, par le biais de la distinction et de l’identification (lorsque nous établissons la distinction suivante: Les pommes ne sont pas des bananes., nous sommes en train d’établir une comparaison entre deux choses).

En somme, il semble bien que la pierre angulaire de tout le programme de philosophie pour enfants, du moins en ce qui concerne la logique, soit la comparaison. Et cela est compréhensible puisque s’il est vrai que toute comparaison n’est pas raison, par contre raison est toujours comparaison.  Cette comparaison peut s’établir entre deux choses (Elfie); elle peut être double (Kio et Augustine); elle peut être une comparaison entre deux autres comparaisons (Pixie); enfin elle peut être beaucoup plus complexe, comme cela est le cas lorsque nous construisons un syllogisme (La découverte de Harry).  Les romans qui suivent – Lisa, Suki et Marc – reprennent ces différentes habiletés, mais n’ajoutent rien de vraiment particulier à l’édifice logique construit auparavant.

2.3- L’ajout d’une « autre »  logique

La logique est très utile pour développer une pensée structurée, organisée.  Cependant, il est plutôt rare dans la vie de tous les jours que nous sentions le besoin d’utiliser les règles enseignées par cette discipline.  Dès lors, son étude seule n’encourage pas vraiment les enfants à employer les lois qu’elle met en évidence.  C’est pour cette raison que Matthew Lipman a cru bon de faire intervenir une autre sorte de logique – une logique dite « informelle » – laquelle vise justement à aider les enfants à découvrir les nombreuses applications d’une pensée structurée et réfléchie.

En contraste avec la logique précédemment décrite, la logique dite « informelle » ne présente pas de règle ou de loi particulière. Elle met plutôt l’emphase sur la recherche et l’évaluation des raisons, en aidant les enfants à juger de leur pensées et de celles des autres en référence aux actions qui sont posées ou aux événements qu’ils vivent.  Autrement dit, son objectif est double: par le processus de recherche des raisons, la logique informelle encourage les enfants à utiliser plus fréquemment leur pensée de façon structurée; par le processus d’évaluation des raisons, elle permet aux enfants d’être plus conscients de la varitété d’applications qu’entraîne une réflexion de la pensée sur elle-même. Voyons chacun de ces éléments plus en détails.

2.3.1- la recherche des raisons

Rechercher des raisons, c’est tracer l’ensemble ou une partie des inférences qu’implique un certain contexte. Il existe plusieurs types d’inférences et la plupart sont présentés dans le programme de philosophie pour enfants. Mais quelque que soit le type d’inférence envisagé, ils supposent tous de l’individu qui les accomplit la capacité de comparer les évidences, de faire des conclusions générales qui le projettent au-delà des évidences et de tenir compte du contexte. VOyons, plus en détail, ce dont il s’agit.

1- l’inférence inductive, ou le passage du cas singulier au cas général ou universel. Nous trouvons un exemple de ce type d’inférence au début du chapitre 7 de Kio et Gus:

« Grand-papa, à quoi es-tu en train de penser?  Tu ne nous parles pas beaucoup. »

« Je réfléchissais. »

« À propos de quoi? »

« À propos des baleines. »

« Quoi au sujet des baleines? »

« La moitié de l’été est passée. »

« Qu’est-ce que cela a à faire avec les baleines? »

« C’est pendant l’été que nous pouvons voir les baleines. »

Le grand-père de Kio semble ici s’engager dans une inférence inductive.  En effet, il sait, à partir de ses expériences antérieures, que les baleines peuvent être vues pendant l’été.  D’autre part, il constate que l’été est arrivée.  Par conséquent, il infère que le temps est propice pour l’observation des baleines.  En fait, ce qui se passe ici pourrait se résumer de la façon suivante: le grand-père se base sur ses expériences passées pour prévoir ce qui va arriver.  De quelques cas particuliers (avoir vu une baleine pendant cet été, et cet autre été et cet autre encore), il en arrive à la conclusion que tous les étés sont des moments propices pour voir les baleines. Or, puisque l’été est arrivé, il est donc le temps d’aller observer les baleines. Bien que nous ne puissions être totalement certains de cette inférence, les probabilités que cela se produise sont tout de même assez élevées.  Mais cela n’est pas nécessairement le cas à chaque fois que nous faisons une inférence inductive.  Prenons par exemple, cet autre passage, tiré du chapitre 5 de La découverte de Harry, où justement quelques enfants sont en train de critiquer certaines inductions:

Maria parut pensive. « Mais les gens concluent toujours sans réfléchir.  Si on rencontre un Polonais, un Italien, un Juif ou un Noir, on conclue immédiatement que tous les Polonais, Italiens, Juifs ou Noirs sont sur le même modèle. »

« C’est exact » dit Harry. « Le seul exercice que font certaines personnes est de sauter aux conclusions. »

Ici, l’induction n’a pas la même valeur que celle du grand-père de Kio. On peut difficilement généraliser à partir d’un cas.  Mais en même temps, il n’y a pas de règles précises nous indiquant quel est le nombre exact de cas singuliers dont il faut disposer pour généraliser.

2- l’inférence analogique: celle-ci présuppose des ressemblances pertinentes entre deux espèces de choses différentes et conclue à une autre ressemblance ou similitude, sans toutefois mettre complètement de côté les différences qui les séparent. Un exemple de ce type d’inférence se présente dans le premier chapitre de Lisa.  Il y est question entre autre des ressemblances entre les êtres humains et les autres animaux. La chasse aux animaux est mise en contraste et est comparée au fait de tuer des êtres humains.  Quelques enfants pensent que la similitude entre les personnes et les animaux est suffisamment grande pour qu’on accepte la comparaison. Mais d’autres rejettent cette comparaison. C’est le cas de Robert:

Robert secoua la tête énergiquement.  « Les hommes et les bêtes sont complètement différents.  Peu importe ce que vous faites aux bêtes, il faut veiller à ne pas faire la même chose aux hommes. »

3- L’inférence explicative: cette inférence avance une réponse à la question: Qu’est-ce qui a provoqué cet événement (la cause de l’événement)? Ce type d’inférence présume que la nature montre certaines régularités et relie un événement à expliquer avec une régularité particulière.  Par exemple, si nous voulons savoir pourquoi la rouille apparaît sur le pot de métal laissé dehors pendant plusieurs mois, il nous faut seulement penser au fait que l’oxygène de l’air entre normalement en interaction avec le métal et produit la rouille.  Pour les gens qui connaissent le lien entre l’oxygène et le métal, cette explication peut être une raison et, dans un certain contexte, cela peut même être une très bonne raison.  On peut trouver plusieurs exemples de ce type d’inférence dans le roman Kio et Augustine ainsi que dans le guide pédagogique qui l’accompagne.

4- L’inférence qui sert de guide à l’action: cette inférence cherche à justifier ce que quelqu’un fait.  Elle présuppose un système d’habitudes, de règles; un code spécifique de conduite; et parfois des circonstances spéciales qui justifient la transgression du système d’habitudes ou du code de conduite spécifique.  Le premier chapitre de Lisa ainsi que le premier épisode du chapitre 7 de Pixie sont particulièrement intéressants pour exemplifier ce type d’inférence.

Comme on a pu le constater, la recherche des raisons ne semble pas fournir de règles et de lois précises. Elle repose davantage, dira Lipman, sur le sentiment d’être devant une bonne ou une mauvaise inférence. Dès lors, une façon adéquate de développer ce sentiment est de mettre le plus souvent possible les enfants en situation de recherche de raisons.  Plus les enfants auront l’occasion de travailler avec ces types d’inférence, plus ils reconnaîtront facilement qu’ils sont en face d’une bonne ou d’une mauvaise inférence. Cependant, cela ne signifie pas que la recherche des raisons soit entièrement dénuée de règles de procédure. En fait, il faudrait plutôt parler ici de dispositions que les enfants doivent posséder ou acquérir avec le temps afin qu’ils puissent reconnaître plus aisément la valeur des inférences rencontrées dans cette recherche. Un exemple de ceci se trouve au chapitre 6 de La découverte de Harry. Les enfants sont sur le point de s’endormir, mais une discussion s’engage sur la nature de l’esprit.  Le passage est un peu long, mais il est particulièrement révélateur des caractéristiques d’une bonne recherche intellectuelle.

« Mais qu’est-ce que « l’esprit »?  Et comment sais-tu que tu en as un? » demanda Julie.

Laura bâilla et parvint à s’étirer tout en agitant ses orteils sous les draps.  « Je sais que j’ai un esprit, » répondit-elle, « de la même manière que je sais que j’ai un corps. »

Le père de Julie frappa à la porte et dit aux filles qu’il était passé minuit et que c’était l’heure de dormir.  Elles promirent de s’arrêter de discuter (en fait seule Julie le fit, les autres se contentèrent de pouffer).  Mais très vite elles revinrent au même sujet.

France insista sur le fait qu’on peut voir et toucher son corps, mais qu’on ne peut ni voir ni toucher son esprit; comment dire que l’esprit est réel si on ne peut le voir ou le toucher?  Elle conclut:

« Quand on dit « esprit », tout ce dont on parle, c’est de notre cerveau. »

« Mais il y a des tas de choses qui sont réelles, même si on ne peut pas les voir ou les toucher. » objecta Laura. « Par exemple, si je vais faire de la nage, existe-t-il réellement une chose appelée nage?  Si je vais faire de la marche ou de l’équitation, la marche et l’équitation existent-elles réellement? »

« Que veux-tu dire? » demanda France.

« A mon avis, » reprit aussitôt Julie, « Laura estime que ce que nous appelons penser est quelque chose que nous faisons, au même titre que marcher, nager ou chevaucher. »

« C’est juste, »  approuva Laura, « c’est exactement ce que je veux dire.  Quand je disais il y a un instant, j’ai un esprit, cela signifie que je pense à des choses.  Je pense au téléphone, à ma petite soeur, ou simplement à mes propres affaires.  Car « avoir un esprit », ce n’est rien d’autre que « se représenter des choses en pensée ». »

Cependant France n’était pas complètement satisfaite de la définition donnée par Laura et Julie. « Je suis d’accord avec vous, l’esprit n’est pas tout à fait la même chose que le cerveau.  Je le pensais auparavant, puis j’ai changé d’avis. » Toutes sourirent, puis France reprit: « Ce que je veux dire, c’est que je ne peux voir l’électricité, et pourtant c’est une réalité.  Donc pourquoi nos pensées ne seraient-elles pas quelque chose d’électrique dans le cerveau? »

Cette fois ce fut la mère de Julie qui vint annoncer aux filles qu’elles auraient à poursuivre la conversation le lendemain matin.

« Maman, » demanda Julie « qu’est-ce qu’un esprit? »

Madama Portos réalisa qu’elle se faisait entraîner dans une conversation qui était déjà supposée être terminée.  Mais elle n’aimait pas esquiver les questions de Julie, aussi répondit-elle:  « Lorsque j’avais ton âge, Julie, je pensais que l’esprit était un truc éthéré, vaporeux comme un souffle. »

« Pensais-tu que tu pouvais le voir par temps froid, comme tu peux voir ton souffle par temps froid? » l’interrompit Julie.

« Non » répondit sa mère « je pensais que c’était quelque chose de réel mais d’invisible. On ne pouvait jamais le voir, mais il était le siège des pensées, des sentiments, des souvenirs et des images, tous faits de la même matière, fine comme une pellicule. »

« Oh, c’est si juste!  C’est exactement comme ça que l’esprit est fait! » s’exclama Julie.

« Peut-être. » dit madame Portos en souriant.

« Et bien, qu’est-ce que cela pourrait être d’autre? » demanda Julie.

« Je ne sais vraiment pas. » dit madame Portos en posant sa main sur la tête de Julie. Puis, après un moment, elle ajouta: « Je ne dis pas cela parce qu’il est tard et que je préfèrerais ne pas en discuter.  C’est la vérité; je ne sais réellement pas.  Parfois je pense que ce n’est rien d’autre que du langage. »

« Du langage? » questionna Julie.

« Lorsque les enfants commencent à parler, ils parlent aux autres personnes. » dit madame Portos « Quand il n’y a personne à qui parler, les enfants continuent à parler comme s’ils avaient un auditoire.  En d’autres termes, ils se mettent à parler à eux-mêmes. Puis ils se parlent à eux-mêmes de plus en plus doucement jusqu’à ce qu’ils n’émettent plus de sons.  C’est ce qu’on appelle penser. »

« Alors vous voulez dire, » poursuivit France « qu’au début les enfants voient seulement les choses présentes, puis, quand les choses disparaissent, ils s’en souviennent et les imaginent.  Ainsi les pensées de notre esprit sont seulement les traces des choses dans notre mémoire? »

« Oh là là, France, je ne sais pas, je n’ai jamais réfléchi à cela de cette façon, » répliqua madame Portos.

Qu’apercevons-nous dans ce petit dialogue? On y voit des enfants discutant d’un sujet que la plupart des philosophes ont abordé: l’esprit. Ces enfants, ainsi que des adultes, cherchent réellement à définir cette réalité.  Ils se posent des questions qui tendent à mettre en évidence ce qui est présupposé, ce que les dires de l’autre impliquent.  Ils demandent les raisons motivant l’opinion de l’autre.  Par le biais d’un dialogue réflexif, les filles cherchent à saisir ensemble le « fond de la chose ».  Au lieu d’imposer leur point de vue, elles essaient plutôt de comprendre celui de l’autre, de voir comment ce point de vue peut s’accorder ou non au leur. L’écoute attentive de l’autre est extrêmement importante.  Elles refusent des réponses toutes faites, elles refusent des réponses fermées.  Au contraire, elles tendent à ouvrir la discussion.  Elles conçoivent la possibilité de se tromper et de changer d’opinion.  Elles se disent sans doute: l’autre a peut-être raison et moi j’ai peut-être tort.  Ce qui est bien différent de la position habituelle: j’ai raison et tu as tort. Elles s’efforcent de penser rigoureusement et de traduire dans un langage compréhensible pour les autres ce qui trotte dans leur tête.  Elles semblent émerveillées parce qu’elles sont devant quelque chose qu’elles ne comprennent pas.

Cette discussion nous manifeste les caractéristiques d’une bonne recherche intellectuelle, qui comprend un désir d’impartialité, d’objectivité, de respect pour les personnes engagées dans le processus et d’une recherche toujours plus approfondie des raisons qui font comprendre l’objet de la recherche (si un progrès a été accompli, la quête, l’enquête n’est pas terminée:  la solution du problème de quelqu’un soulève des questions additionnelles dans l’esprit d’un autre et le processus de la recherche continue).

2.3.2- l’évaluation des raisons

Les raisons que nous avançons pour comprendre un geste que nous avons posé ou un phénomène à expliquer ne sont pas toutes d’égale valeur.  En effet, il peut arriver que nous accomplissions des gestes pour de mauvaises raisons.  Dès lors, il est utile de pouvoir comparer les raisons entre elles afin de déterminer laquelle ou lesquelles sont meilleures.  Cette comparaison s’effectue à l’aide de critères.  Voici ce qu’en dit Matthew Lipman:

« •     La bonne raison est factuelle: une raison fondée sur un fait est plus crédible que celle qui ne l’est pas. La première est soutenue par la citation du fait tandis que la seconde est sans support parce qu’elle est démunie de fondement factuel.

  •      La bonne raison est pertinente: une raison qui se rapporte à l’opinion donnée a plus de crédibilité.  La relation implicite entre l’opinion et la raison peut être mise en lumière pour soutenir la raison.  La raison non pertinente ne présente pas cet intérêt.

  •       La bonne raison facilite la compréhension: une raison qui explique une opinion a plus de crédibilité.  En effet, une explication aide à mieux comprendre l’opinion et ainsi, la corrobore.  Celui qui n’explique pas ses opinions se prive de cet appui et le refuse à son interlocuteur.

  •        La bonne raison est connue de l’interlocuteur: si la raison est plus connue et plus plausible que l’opinion qu’elle appuie, elle a plus de crédibilité.

En résumé: la qualité d’une raison est relative: une raison est plus plausible ou meilleure qu’une autre si elle présente une ou quelques-unes des quatre catactéristiques: factuelle, pertinente, mieux connue et apte à faciliter la compréhension. »

Les critères nous permettant d’évaluer les raisons sont très différents de ceux utilisés pour mesurer la validité d’un raisonnement.  Dans un cas, c’est le contenu ou la matière du raisonnement qui fait l’objet d’une évaluation; dans l’autre, c’est le contenant ou la forme.  Lorsqu’il s’agit de la forme, ou bien la règle est transgressée, ou bien elle ne l’est pas. Dans le cas du contenu, il peut arriver qu’un critère ne s’applique pas et que la raison avancée soit tout de même une bonne raison.  De plus, dans le cas de l’évaluation de la forme, nous sommes dans le domaine de la nécessité: par exemple, pour qu’un syllogisme soit valide formellement, il ne peut pas ne pas respecter l’ensemble des lois qui le gouvernent.  De même, deux contradictoires ne peuvent être vraies en même temps et sous le même rapport, quel que soit le contenu de ces contradictoires. Cependant lorsqu’il s’agit de la matière d’un raisonnement, les choses semblent différentes: une raison sera dite meilleure qu’une autre si elle est plus probable. Or, il peut arriver que deux raisons soient également probables. Il est alors extrêmement difficile de dire laquelle doit être retenue.

En voilà assez, pour l’instant, sur le rôle de la logique dans le programme de philosophie pour enfants.  Bien qu’importante, elle ne saurait, à elle seule, permettre  le plein développement de l’enfant sous l’angle de sa pensée. Mais sans elle, je vois difficilement comment on pourrait y arriver.

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