Il y a bien des manières de se positionner au regard de la vérité.
En gros, les relativistes, estiment que tout ce qui se dit est vrai, car tout se vaut également. On les entendra dire: «Tu peux bien dire ce que tu veux, de toute manière ton opinion n’a pas plus de valeur que la mienne.»
D’autres, les sceptiques, estiment que tout ce qui se dit est faux, car l’incertitude ne peut garantir la vérité et tout est incertain. On les entendra dire: « Vaut mieux se taire, car tout est incertain et devant l’incertitude, le silence de mon jugement est ce qui doit prévaloir».
D’autres encore, les dogmatiques, estiment que seul ce qu’ils disent est vrai, car croient-ils, ils sont les seuls à connaître la vérité. On les entendra dire: « Rien ne sert de discuter si tu penses le contraire de moi, car moi je sais!»
Enfin, certains, les «faillibilistes» (d’autres diraient les «relationnistes»), tout en étant incertains, estiment qu’il importe néanmoins d’oser se dire avec nuances, quitte à devoir modifier le propos si de nouveaux arguments et faits remettent en question ce qu’ils estimaient probable. On les entendra dire: «Je ne suis pas certain de ce que j’affirme, mais continuons à chercher ensemble…» Pour eux, l’important n’est pas d’avoir raison mais d’apprendre à dialoguer avec l’incertitude et continuer la lente reconstruction du monde dans lequel nous nous trouvons depuis les débuts.
Quand nous pratiquons la philosophie avec les enfants, le but visé, en même temps que le moyen utilisé, est d’apprendre à oser se dire avec nuances, afin que le discernement s’affine, que le jugement devienne plus préoccupé de ce qui est présenté comme des faits, que la pensée critique, même incertaine, engage le dialogue avec la pensée créative, et que ces deux formes de pensée se sentent soutenues par la pensée attentive (caring thinking). Pour y arriver, il importe de transformer la classe en communauté de recherche philosophique où chacun est invité à oser se dire avec les autres dans une enquête visant à donner éventuellement une solution provisoire à un problème identifié par les enfants eux-mêmes.
Ni relativiste, ni sceptique, ni dogmatique, l’enfant qui apprend à faire de la philosophie en communauté de recherche (du moins comme ce qui a été imaginé par Lipman et Sharp) balance sa réflexion entre la parole et le silence, entre la raison et les émotions, entre la vérité et les valeurs, entre les faits et les arguments, entre lui et les autres… Il apprend à dialoguer avec l’incertitude qui habite toute personne qui, bien qu’elle se sait faillible, continue de chercher avec les autres une façon de faire permettant de reconstruire le monde, un autre monde, plus habitable par tout et chacun. Un monde où l’amitié, dépassant l’utile et l’agréable, se fonde sur la recherche d’un bien commun (Aristote).
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