La philosophie pour enfants et la pratique de la pensée attentive

libéraux

En philosophie pour les enfants, trois formes de pensée entrent en dialogue: la pensée critique, créative et attentive. Chacune est pratiquée dans le contexte de la communauté de recherche.  Si la pensée critique et créative ont souvent été traitées sur ce site, il en va tout autrement de la pensée attentive. Quelques billets portent sur elle. Trop peu. Et pourtant, elle est peut-être des trois formes de pensée celle qui est la plus importante en philosophie pour enfants. Je pourrais la présenter comme on le fait habituellement.  Elle est une forme de pensée en lien avec l’empathie, les émotions, la valorisation, etc… Mais pour y voir plus clair, cette fois-ci, je prendrai plutôt une comparaison que j’aime parfois utiliser pour faire voir ce que j’en comprends: pratiquer la pensée attentive, c’est comme écrire une lettre d’amour.

Vous êtes devant votre feuille blanche, prêt-e à écrire une lettre d’amour à celle ou celui que vous aimez.  Vous vous recueillez.  Et vous débutez par:  Mon amour….

Et, après une hésitation, vous jetez la feuille bans le bac à recyclage, car ces premiers mots ne sont pas assez puissants, pensez-vous…  Ils ne disent pas assez ce que vous pensez, ressentez.  On recommence, une autre feuille blanche: Mon bel amour (vous vous dites, c’est déjà mieux, mais peut-être pas encore assez).  Alors vous ajoutez: Mon bel amour de ma vie!

Ah! Vous voilà content des mots choisis car ils reflètent bien, estimez-vous, ce que vous pensez, ce que vous ressentez.  Vous ressentez que chaque mot est bien choisi, senti, pensé. Tu n’es pas seulement mon amour, tu es mon bel amour et celui de ma vie! Vous pensez aux mots à utiliser tout en pensant à celle ou celui à qui vous écrivez… Et vous voilà dans une envolée de mots qui, tous les uns autant que les autres, traduisent ce que vous pensez et ressentez profondément pour la personne que vous aimez, en ayant cette personne en tête, dans votre «coeur».  Et, vous vous y reprenez à plusieurs reprises, car vous sentez pas moments que ce n’est pas tout à fait ce que vous auriez aimé dire à la personne que vous aimez.  Et vous voilà, une (deux, trois…) heure plus tard, avec un lettre remplie de mots qui traduisent votre amour pour celui ou celle que vous portez avec, en, vous. Vous vous surprenez même à penser que la poésie pourrait être une forme de langage que vous pourriez développer encore plus. Vous comprenez que les mots ne suffisent pas, qu’il importe qu’ils soient portés par l’émotion qui vous habite, par l’attention que vous portez à celui ou celle à qui vous écrivez.

Dans une communauté de recherche, chaque mot prononcé devient de plus en plus lourd de sens. Chaque mot devient de plus en plus choisi, pour le sens qu’il permet de partager, mais aussi parce que chacun s’adresse à tous et toutes en ayant de plus en plus en tête cette présence si chère de tous et toutes qui permet à l’aventure de la recherche de progresser.  Vous sentez l’émotion qui vous habite en prononçant les mots qui sortent de votre bouche et vous voyez les réactions des gens qui participent à la création de la communauté de recherche. Et vous vous dites: quoi dire et comment dire pour ne pas faire mal?  Et vous vous dites: pas question que je dise n’importe quoi, pas question que je sois celui qui ait raison, les autres sont des aventuriers comme moi qui pensent, ressentent, valorisent, estiment… Ils peuvent m’aider comme j’essaie de le faire. Vaut mieux que je dise quelque chose qui aura du sens, qui sera senti.  Et c’est important de le faire, pas seulement pour moi, mais pour tous les autres qui m’accompagnent dans cette immense aventure de la recherche en commun.

Et du coup, le rythme de la recherche ralentit, chacun pensant de plus en plus et de mieux en mieux à sa contribution dans la construction de la recherche en commun. Chacun devient sensible à la sensibilité de tous et chacun. Chacun devient une personne attentive à elle-même et aux autres. Cette attention, ce souci de la précision et du ressenti bien senti, c’est aussi cela la pensée attentive. Combinée à la pensée critique, occupée à fournir et évaluer des critères, et à la pensée créative, sensible aux différences contextuelles, innovante, holistique, la pensée attentive permet à chacun d’avoir confiance en lui et aux autres. Et quand cela se produit, car la création d’une communauté de recherche est un processus et tous les éléments ne sont pas présents d’emblée, quand cela se produit, quelque chose de magnifique s’y ajoute:

la douceur,

la simplicité,

la bonne foi,

la fidélité,

l’humilité,

la franchise,

la justice,

la sympathie (comme sentiment),

la compassion (comme vertu),

le respect,

la transparence,

la patience,

l’écoute,

le désir de contribuer,

le courage,

le souci de mettre son ego en perspective,

la gratitude,

l’amitié

Et ainsi, chacun se sent aimé pour ce qu’il est tout en restant un mystère aux yeux des autres. C’est aussi cela faire de la philosophie avec les enfants! Et c’est aussi pour cela que c’est une éducation à la paix, intérieure et entre nous.

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