Entrer dans le monde de la philosophie pour enfants, c’est accepter de redessiner la présentation de la philosophie afin qu’elle soit à la fois utile et agréable pour les enfants… Mais c’est un peu plus que cela…
Entrer dans le monde de la philosophie pour enfants, c’est accepter de redessiner la présentation de la philosophie afin qu’elle soit à la fois utile et agréable pour les enfants… Mais c’est un peu plus que cela…
Le programme de philosophie pour les enfants de Matthew Lipman et Ann Margareth Sharp s’appuie sur des histoires philosophiques écrites pour les enfants. Remplissant plusieurs fonctions dans ce programme, elles ont notamment pour but de motiver les enfants à s’engager dans des pratiques de la philosophie; elles fournissent des modèles de ces activités en montrant différentes pratiques de la philosophie; elles permettent d’inviter les enfants à examiner leur expérience quotidienne en centrant l’attention sur ses dimensions intrigantes et problématiques; elles visent à initier les enfants à la culture philosophique de manière non dogmatique; prenant la forme d’une recherche dialogique, elles donnent à l’enfant-lecteur la possibilité de ne pas avoir à lutter avec les prétentions de vérité d’un auteur; combinées à des pratiques de la philosophie en classe, elles pourraient contribuer à une unification du curriculum scolaire. Lire la suite
Pour ceux et celles qui connaissent un peu la Philosophie pour les enfants, nous voyons peu à peu, que l’histoire de la pratique des arts libéraux montre que la Philosophie pour les enfants est en continuité avec cette pratique et que loin d’être l’incarnation d’une révolution dont il faudrait peut-être se méfier, elle continue, à sa manière, de contribuer au développement de la pensée des enfants.
Tous les passages retenus de ce billet sont tirés (et parfois adaptés) de ma thèse de doctorat: La philosophie pour enfants et la pratique des arts libéraux, Université Laval, octobre 1993. Lire la suite
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Invité récemment par l’université de Genève et l’Institut de l’école internationale de Genève à diriger un séminaire portant sur la pratique de la philosophie en communauté de recherche (novembre 2015), j’ai pris soin, dans le cadre de la conférence d’ouverture, d’examiner les causes permettant d’expliquer les effets entourant cette pratique. Lors de deux conférences précédentes, l’une portant sur les liens entre la pratique de la philosophie avec les enfants et la construction de la résilience, l’autre sur la façon dont on peut préparer les enfants d’aujourd’hui à construire la paix de demain grâce à la Philosophie pour enfants, j’avais invité les personnes présentes à diriger leur attention sur les effets potentiels d’une telle pratique. Dans le cadre du séminaire, j’ai jugé bon, cette fois, de me concentrer, non plus sur les effets entourant cette pratique, mais sur les causes pouvant expliquer l’existence de tels effets. Comme le dicton le souligne: il n’y a pas de fumée sans feu! Lire la suite
Quelques citations prises ici et là qui suggèrent que des philosophes, des poètes, des… voient un lien étroit entre l’enfant et la philosophie.
« Un signe admirable du fait que l’être humain trouve en soi la source de sa réflexion philosophique, ce sont les questions des enfants. On entend souvent, de leur bouche, des paroles dont le sens plonge directement dans les profondeurs philosophiques. En voici quelques exemples : […] En collectionnant des remarques de ce genre, on pourrait constituer toute une philosophie enfantine. On allèguera peut-être que les enfants répètent ce qu’ils entendent de la bouche de leurs parents et des autres adultes ; cette objection est sans valeur lorsqu’il s’agit de pensées aussi sérieuses. On dira encore que ces enfants ne poussent pas plus loin la réflexion philosophique et que, par conséquent, il ne peut y avoir là chez eux que l’effet d’un hasard. On négligerait alors un fait : ils ont souvent une sorte de génie qui se perd lorsqu’ils deviennent adultes… » Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, Paris, Librairie Plon, Collection 10-18, 1969, pp. 7-9.
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«…la philosophie (…) on a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants…
Puisque la philosophie est celle qui nous instruit à vivre, et que l’enfance y a sa leçon, comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique-t-on pas ? (…) On nous apprend à vivre quand la vie est passée. Cent écoliers ont pris la vérole avant que d’être arrivés à leur leçon d’Aristote, de la tempérance. (…) Ôtez toutes ces subtilités épineuses de la Dialectique, de quoi notre vie ne se peut amender, prenez les simples discours de la philosophie, sachez les choisir et traiter à point : ils sont plus aisés à concevoir qu’un conte de Boccace. Un enfant en est capable, au partir de la nourrice, beaucoup mieux que d’apprendre à lire ou écrire. La philosophie a des discours pour la naissance des hommes comme pour la décrépitude.» Montaigne, Essais I, 26, De l’institution des enfants.
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« Dans sa jeunesse, que personne n’hésite à s’engager en philosophie; de venu vieux, que personne ne se lasse de l’activité philosophique. » Épicure
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«Nous cherchons tous le repos. Partout, dans ce que nous faisons, dans ce que nous disons, c’est le repos qui est désiré, le sommeil bienheureux dans une parole, dans un amour, dans un travail. C’est pour trouver le sommeil dans une vérité que nous commençons à apprendre. C’est pour goûter au sommeil de la chair – à son endormissement entre les bras de l’autre – que nous tombons amoureux. C’est pour jouir du sommeil minéral d’une fatigue que nous entreprenons mille et un travaux. Il y a une aimantation de la vie vers le sommeil. La vie en nous ne tend qu’à se reposer, qu’à se déprendre enfin d’elle-même dans un amour, dans un savoir, dans un emploi. Partout, dans toutes nos occupations, là même où nous nous croyons le plus éveillés, là même nous cédons à cette attirance d’un sommeil. L’enfance là-dedans est l’exception.
L’enfance est dans la vie comme une chambre éclairée dedans la maison noire. Les enfants n’aiment pas aller dormir, n’aiment pas ce congé chaque soir donné à la vie. Cette résistance au sommeil, c’est le visage de l’enfance et c’est la figure même de l’excès: poser des questions qu’aucune réponse ne viendra endormir.» Christian Bobin, La merveille et l’obscur, Paroles d’aube, p. 17
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Le secret de la philosophie, d’après Éric Weil, est que « le philosophe veut que la violence disparaisse du monde[1]. Il reconnaît le besoin, il admet le désir, il convient que l’homme reste animal tout en étant raisonnable; ce qui importe, c’est d’éliminer la violence. Il est légitime de désirer ce qui réduit la quantité de violence qui entre dans la vie de l’homme. Il est illégitime de désirer ce qui l’augmente. »[2] Si on accepte, au moins temporairement, l’hypothèse de Weil, il y a lieu de se demander quels pourraient être les moyens que le philosophe peut utiliser dans le but, sinon de faire disparaître, à tout le moins de prévenir la violence. Il pourra, bien sûr, et c’est en partie le travail qui l’occupe, faire une analyse approfondie de la violence afin d’en comprendre ses différentes formes. Toutefois, bien que ce travail soit important, il ne saurait suffire pour prévenir, voire irradier la violence. Encore faut-il que la réflexion philosophique portant sur la violence puisse conduire à une pratique de la philosophie qui soit en concordance avec la nécessité d’éliminer la violence. Et c’est alors que l’apprentissage du dialogue peut s’avérer être une étape cruciale pour qui souhaite prévenir la violence. Car, « dans le dialogue, le souci de sens est aussi important que celui de ne pas faire cesser la communication. Les deux, même, se soutiennent. (…) Dans tous les cas, ce qui est exclu, c’est la violence : le dialogue s’arrête au moment où la force, l’intimidation ou la ruse prennent le pas sur l’examen de la validité des affirmations ou l’échange des croyances et d’idées, dont on se demande s’il faut les accepter ou non. »[3] Lire la suite